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Violences sexuelles : à l’Assemblée, le prin­cipe de non consen­te­ment jusqu'à 15 ans adop­té à l'unanimité

Quatre semaines après le vote en pre­mière lec­ture d’une pro­po­si­tion de loi cen­triste au Sénat, l’Assemblée natio­nale a voté en pre­mière lec­ture ce 18 février un autre texte allant plus loin sur la réponse pénale contre les vio­lences sexuelles faites aux mineurs. Portée par la dépu­tée socia­liste Isabelle Santiago, il pro­pose de fixer le seuil d’âge de non-​consentement à 15 ans, 18 en cas d’inceste.

Dernière minute /​/​/​18/​02/​21 19h20 : La pro­po­si­tion de loi visant à ren­for­cer la pro­tec­tion des mineurs vic­times de vio­lences sexuelles a été adop­tée à l'unanimité par l'Assemblée natio­nale. L'amendement sur l'écart d'âge deman­dé par la majo­ri­té a été rejeté. 

« Rien n’est plus puis­sant qu’une idée dont l’heure est venue. » Isabelle Santiago a choi­si de citer Victor Hugo pour sa pre­mière fois en tant que rap­por­teure à la tri­bune de l’Assemblée natio­nale ce 18 février. « Cette pro­po­si­tion de loi dépo­sée en décembre était peut-​être au rendez-​vous de l’histoire sans le savoir », a pour­sui­vi la dépu­tée socia­liste du Val de Marne. « Sans le savoir » car avant la paru­tion de La Familia grande de Camille Kouchner, avant la libé­ra­tion de la parole des vic­times ces der­nières semaines sur les réseaux sociaux, sus­ci­tant l’émoi dans la socié­té. Cette pro­po­si­tion de loi visant à ren­for­cer la pro­tec­tion des mineur·es est depuis rat­tra­pée par l’actualité. Un sujet dont s’est même empa­ré le chef de l’État en pro­met­tant aux vic­times le 26 jan­vier der­nier de ne lais­ser « aucun répit aux agres­seurs » et « d’adapter notre droit ».

Défendre la pro­tec­tion de l’enfance est un che­val de bataille de longue date pour Isabelle Santiago. Cela fait vingt ans que cette ancienne vice-​présidente char­gée de la pro­tec­tion de l’enfance au dépar­te­ment du le Val de Marne et membre du conseil natio­nal de la pro­tec­tion de l’enfance sou­haite faire recon­naître un seuil d’âge de non-​consentement. Cinq mois après son élec­tion à la légis­la­tive par­tielle, la voi­ci donc à la tri­bune de l’orateur en marbre blanc pour défendre sa pre­mière pro­po­si­tion de loi. Au pro­gramme de celle-​ci, plu­sieurs avan­cées. La créa­tion d’un crime spé­ci­fique d’infraction sexuelle lorsqu’un majeur com­met un acte de péné­tra­tion sur un mineur de moins de 15 ans, punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. La créa­tion éga­le­ment d’un seuil d’âge de non-​consentement fixé à 15 ans, 18 ans en cas d’inceste. « 13 ans ce n’est pas assez. Il n’y a pas de débat à avoir : en des­sous de 15 ans, un mineur n’est jamais consen­tant pour un rap­port sexuel avec un adulte », sou­tient à Causette Isabelle Santiago, fai­sant réfé­rence à la pro­po­si­tion de loi por­tée par la séna­trice cen­triste Annick Billon, fixant, elle, le prin­cipe de non-​consentement jusqu’à 13 ans. Adopté à l’unanimité par la chambre haute le 21 jan­vier der­nier, le texte d’Annick Billon sera étu­dié à l’Assemblée le 15 mars prochain.

Un arse­nal juri­dique actuel jugé insuffisant 

Derrière ces pro­po­si­tions de loi, l’urgence de ren­for­cer l’arsenal juri­dique actuel en matière de pro­tec­tion de l’enfance. Le droit pénal fran­çais condamne trois infrac­tions. Le délit d’agression sexuelle, puni par dix ans de réclu­sion et qui intègre la notion de vio­lence, contrainte, menace ou sur­prise. Le crime de viol carac­té­rise un acte de péné­tra­tion sexuelle entre un adulte et un mineur de 15 ans, punis­sable d’une peine de vingt ans. 

Enfin, le délit d’atteinte sexuelle, créé en 2018 par la loi Schiappa, sanc­tionne tout acte de nature sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans de cinq ans d’emprisonnement. L’enjeu de la créa­tion de ce nou­veau délit était de don­ner des armes à la jus­tice, face à des cas com­plexes où il n’y a pas preuve de non-​consentement, en s’assurant que la contrainte morale sur la per­sonne mineure peut résul­ter de la dif­fé­rence d’âge exis­tant entre la vic­time et l’auteur des faits. Une manière de faire juger et condam­ner en cor­rec­tion­nelle des affaires qui, devant un tri­bu­nal d’Assise, auraient abou­ti à un non-​lieu parce que le viol n’aurait pas été carac­té­ri­sé. Mais la majo­ri­té n’avait pas vou­lu à l’époque éta­blir un seuil de non-​consentement de prin­cipe. Conséquence ? « Encore aujourd’hui, un mineur vic­time de vio­lence sexuelle doit encore prou­ver qu’il y a eu vio­lence, contrainte, menace ou sur­prise. En somme, il doit prou­ver qu’il n’était donc pas consen­tant », déplore Isabelle Santiago à Causette. 

Applaudie par les par­le­men­taires de gauche, la dépu­tée socia­liste a pris le temps de rap­pe­ler que le récit de Camille Kouchner, les nom­breux témoi­gnages ano­nymes et l’inflexion de la socié­té à prê­ter une oreille plus atten­tives à ces pro­blé­ma­tiques ont per­mis d’avoir bri­sé l’omerta autour des vio­lences sexuelles faites aux mineur·es. Sans cela, « l’inscription dans la loi aurait pris davan­tage de temps ».

Une réécri­ture du texte qui ne passe 

Mais Isabelle Santiago est amère. Son texte, souligne-​t-​elle, a été lar­ge­ment modi­fié lors de son pas­sage en com­mis­sion des lois le 10 février. « J’ai décou­vert les petites poli­tiques poli­ti­ciennes. La réécri­ture qua­si totale de mon texte ini­tial par LREM est d’une tris­tesse abso­lue pour un débat par­le­men­taire tant néces­saire », déclare-​t-​elle à Causette, déplo­rant « une manœuvre » de la majo­ri­té pour reprendre un texte de loi emblé­ma­tique. Pas moins de 208 amen­de­ments ont été dépo­sés, la plu­part pro­ve­nant du groupe majo­ri­taire. LREM pro­pose que les rela­tions dont l'écart d'âge ne dépasse pas cinq ans ne soient pas cri­mi­na­li­sées, afin de ne pas péna­li­ser les couples sur­nom­més par certain·es député·es LREM « Roméo et Juliette », c'est-à-dire une rela­tion ado­les­cente consen­tie qui se pour­suit après la majo­ri­té du par­te­naire plus âgé. La dépu­tée LREM Alexandra Louis, à l’origine de l’amendement sur cet écart d’âge, a ain­si plai­dé en séance qu’il est néces­saire de pro­té­ger les rela­tions amou­reuses entre adolescent·es. Une régres­sion totale dans la pro­tec­tion des enfants pour Isabelle Santiago. « Si on votait le texte ain­si for­mu­lé, un jeune de 18 ans qui com­met des vio­lences sexuelles sur un enfant de 13 ans ne pour­ra pas être auto­ma­ti­que­ment pour­sui­vi, il fau­dra, comme avant, prou­ver le non consen­te­ment du mineur. » 

La majo­ri­té des groupes par­le­men­taires a salué le tra­vail d’Isabelle Santiago et tous sont tom­bés d’accord sur un seuil d’âge de non-​consentement à 15 ans et 18 ans en cas d’inceste. Beaucoup ont éga­le­ment regret­té la réécri­ture du texte ini­tial. « C’est du jamais vu. Le tra­vail par­le­men­taire a été com­plè­te­ment anni­hi­lé », constate la dépu­tée MoDem Isabelle Florennes dont le groupe n’a d’ailleurs pour cette rai­son dépo­sé aucun amen­de­ment. Même son de cloche du côté des Républicains. Le dépu­té LR Aurélien Pradié a ain­si encou­ra­gé la majo­ri­té LREM à reprendre le texte d’Isabelle Santiago. Pour : cent-​vingt-​cinq. Contre : zéro. Après cinq heures de débat, la pro­po­si­tion de loi a été adop­tée à l'unanimité.

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