Alors que Vincent Lindon dit avoir besoin d’une “feuille de route” pour mieux soutenir les femmes, on ne peut que lui conseiller de lire Nos survivantes. Dans cet essai pratique, l’autrice Lisa Serero s’adresse, pour la première fois, à l’entourage des victimes de violences sexuelles pour leur permettre de mieux les accompagner. Un guide d’utilité publique.
Dans un monde où les femmes ont deux fois plus de risques de subir des violences sexuelles que de déclarer un cancer, c’est un livre que nous devrions tous et toutes avoir sous la main. “D’après les statistiques, il est quasiment impossible de ne pas avoir dans son entourage une personne victime”, prévient l’autrice et défenseuse des droits humains Lisa Serero. Dans Nos survivantes, son livre paru en mars aux éditions Leduc, c’est précisément à cet entourage qu’elle a souhaité s’adresser : ces frères, soeurs, parents, ami·es, conjoint·es ou collègues, dont le rôle est essentiel dans le processus de reconstruction des victimes, mais qui sont rarement armé·es pour les accompagner. Parce qu’ils et elles ne comprennent pas toujours les réactions ni les attentes de leur proche. Que leur attitude aggrave parfois le traumatisme. Et que les violences subies agissent comme une véritable bombe à fragmentation.
Séquelles physiques, psychologiques, sociales : “Les violences sexuelles vécues dans l’enfance ou à l’âge adulte, de façon ponctuelle ou répétée, marquent à vie les victimes. Elles les marquent pour toujours et dans toutes les sphères de leur quotidien”, insiste Lisa Serero, elle-même concernée. Ainsi, une victime sur dix affirme que ces violences l’ont empêchée de vivre en couple, une sur huit d’avoir des enfants, tandis que la moitié ont dû interrompre leurs études ou leur carrière. Il y a aussi les conduites à risque, l’addiction, l’agressivité ou la fuite. Et puis les crises de couple, les amitiés rompues et les familles qui explosent une fois que la victime a parlé. Avec, au milieu, des proches qui se retrouvent “victimes par ricochet”.
Pédagogie et conseils pragmatiques
”Il est tout à fait normal de ne pas savoir comment réagir, de vous poser des questions ou d’avoir besoin de soutien face à ces révélations. Vous pouvez être amené·e à ressentir de la colère, de la honte, de la culpabilité, de la frustration, de la surprise, de la surprotection, de la difficulté dans la relation avec la personne victime…”, rassure Lisa Serero, qui déconseille d’endosser “la casquette du sauveur” et met en garde contre un “accompagnement sacrificiel”. Dans “ce qui peut s’apparenter à un marathon”, l’autrice guide ici l’entourage à travers cinq étapes, qui sont autant d’enjeux majeurs : écouter, protéger, déculpabiliser, s'adapter et reconstruire.
Mêlant témoignages de victimes et de proches, éclairages d’expert·es et références culturelles, elle y livre de nombreux et précieux conseils, selon les situations. À une personne qui serait témoin d’une violence sexuelle, elle suggère par exemple la méthode des 5 D (soit distraire, diriger, déléguer, documenter et dialoguer). À quelqu’un qui serait proche de l’auteur, elle rappelle que la priorité reste de protéger la victime, que la véracité des faits soit établie ou non. “Ce n’est pas à vous de mener l’enquête. Votre mission consiste à éloigner, physiquement mais aussi psychologiquement, l’auteur des violences sexuelles. (…) Ne tentez pas de résoudre le problème par vous-même comme s’il s’agissait d’un simple conflit. (…) Une volonté de médiation familiale ou amicale risque plutôt d’aggraver la situation”, explique notamment l’autrice. Qui, entre autres ressources pratiques, propose des mémos sur les attitudes à privilégier (déculpabiliser la victime, respecter sa temporalité, la confidentialité de son récit, éloigner l’agresseur de sa vie…) et celles à éviter (juger ses choix, la surprotéger, se montrer sceptique ou complaisant avec l’auteur…). Pragmatique et pédagogique, Nos survivantes est plus qu’une “feuille de route” : c’est un ouvrage indispensable pour construire la société post-#MeToo.
Nos survivantes. Violences sexuelles : le pouvoir des proches, de Lisa Serero, éditions Leduc, 208 pages, 17 euros.
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