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©Barbara Zandoval

Migrant·es : un rap­port déplore une « bana­li­sa­tion » de la réten­tion administrative

Dans leur rapport annuel publié ce mercredi 26 avril, cinq associations de défense des migrant·es tirent la sonnette d’alarme sur le recours « banalisé » à la rétention administrative et notamment sur la rétention massive d’enfants dans les centres de rétention d’Outre-mer.

En 2022, 43 565 personnes en situation irrégulière ont été placées dans des centres de rétention administrative (CRA) en France, dans l’attente de leur expulsion. C’est 8,3 % de plus que l’année précédente, pointent cinq associations de défense des migrant·es (Forum réfugiés, France terre d’asile, le Groupe SOS Solidarités-Assfam, La Cimade et Solidarité Mayotte). Dans leur rapport annuel présenté ce mercredi 26 avril, elles dressent un sombre état des lieux de la situation avec « un recours banalisé à la rétention, de manière trop souvent abusive et parfois dans des conditions indignes ».

Ces dérives ont été constatées par les associations dans les vingt-cinq CRA que comptent l’hexagone et les collectivités d’outre-mer. Elles sont, pour elles, le résultat d’un manque d’effectifs policiers qui « impacte l’organisation des CRA, génère ou aggrave des situations de violences et de violations des droits des personnes enfermées ». Elles sont aussi le fruit des lois successives ordonnées depuis plusieurs années qui ont eu pour conséquence d’allonger la durée de rétention alors que les personnes retenues ont vu leurs droits réduits voire ignorés. Le rapport cite ainsi des non-présentations des personnes à leurs audiences, des droits de visite suspendus ou limités ou des audiences se tenant par visioconférence ou par téléphone.

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Selon le rapport, ces dérives sont aussi les effets d’une circulaire du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, publiée en août 2022 et prévoyant un « placement prioritaire en rétention des étrangers représentant une menace pour l’ordre public ». « Du fait du caractère imprécis de cette notion, les décisions de placement sont souvent disproportionnées au regard de la situation des personnes sur le territoire français », jugent les cinq associations. Selon ces dernières, la menace pour l’ordre public est parfois caractérisée pour des motifs « dérisoires », tels que « regarder suspicieusement autour de soi, cracher sur le trottoir ou ralentir la circulation des voitures ». Elles dénoncent une politique qui vient alors nourrir des « amalgames abusifs » entre immigration et délinquance.

Les associations de défense des migrant·es pointent aussi « l’augmentation du nombre de personnes particulièrement vulnérables – en situation de handicap, atteintes de maladies graves, souffrant de troubles psychiatriques ou placées sous tutelle – enfermées en rétention ». Elles rappellent que les CRA sont pourtant des lieux inadaptés à la prise en charge médicale qui leur est nécessaire. Le manque d’accès aux soins « vient aggraver l’état de santé de ces personnes », souligne le rapport.  

Trente fois plus d’enfants placé·es dans les territoires d’outre-mer que dans l’hexagone

Pire encore, les associations constatent l’augmentation du nombre d’enfants dans les centres de rétention administrative. Si l’enfermement des enfants isolé·es est interdit selon le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), les parents accompagné·es de leurs enfants peuvent, elles et eux, faire l’objet d’une mesure de placement en rétention. Selon le rapport, le nombre d’enfants a augmenté entre 2021 et 2022, passant de 76 à 94 dans l’hexagone. La moitié d’entre eux·elles avaient moins de 12 ans. Si la durée moyenne d’enfermement des familles avec enfants est en général relativement courte, elle a « des conséquences dramatiques sur la santé mentale des enfants : repli sur soi, insomnies, refus de s’alimenter et stress post-traumatique ».

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Le rapport tire d'ailleurs la sonnette d’alarme sur le nombre d’enfants enfermé·es dans les collectivités d’Outre-mer. À Mayotte, où immigrent clandestinement de nombreux·es comorien·nes, 2 905 enfants ont été placé·es en rétention en 2022, soit trente fois plus qu’en France métropolitaine. Dans ce département le plus pauvre de France et où se tient actuellement l'opération militaro-policière Wuambushu (« reprise » en mahorais), les conditions de rétention sont d’ailleurs particulièrement dégradantes, dénonce le rapport. « Une serviette hygiénique est remise aux femmes qui le demandent, parfois, après des heures et des heures de requête. Les parents qui ont des nourrissons n’ont droit qu’à un seul biberon pendant toute la durée de la rétention. À plusieurs reprises les fontaines d’eau se sont retrouvées hors service sans qu’aucune autre alternative ne soit proposée, exceptée la remise au moment de l’intégration d’une bouteille d’eau de 50cl. À titre de rappel, les températures, à Mayotte, oscillent entre 35 et 40 degrés », affirme-t-il.

Le rapport pointe également que le projet de loi asile et immigration du ministre de l’Intérieur, qui prévoit d’interdire le placement en CRA des familles accompagnées de mineur·es de moins de 16 ans, ne concernerait pas les collectivités d’Outre-mer. Présenté en février en Conseil des ministres puis en mars au Sénat, le projet de loi devrait passer à l’Assemblée nationale avant l’été.

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