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Un collage dans le XXème arrondissement de Paris © A.C.

La culture du viol régresse chez les Français·es, sauf chez les plus jeunes

L'association Mémoire traumatique et victimologie publie ce 1er février les résultats d'une enquête commandée à l'institut de sondage Ipsos sur la représentation du viol au sein de la population française.

« On constate un net recul de l'adhésion des Français aux stéréotypes sexistes composant la culture du viol mais, quand on s'intéresse aux chiffres des jeunes de 18-24 ans, tout s'écroule. » C'est l'alarmant état des lieux dressé par la psychiatre Muriel Salmona, présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, à l'appui de l'étude sur les représentations des Français·es sur le viol, commandée à l'institut de sondage Ipsos et révélée ce 1er février.

Réalisée en automne 2021 sur 1035 Français·es selon la méthode des quotas représentatifs1, l'étude est la troisième du genre menée par l'association, les précédentes s'étant déroulées en 2016 et 2019. Ce travail se veut être un véritable « baromètre de la culture du viol » dans notre pays. « En 2019, malgré la vague #MeToo de 2017, on constatait une régression dans la maîtrise de la population de la définition du viol, par rapport à 2016, rappelle Muriel Salmona. Les débats suscités par #MeToo avaient pu avoir un effet contre-productif, en ce qu'ils avaient ravivé les fantasmes autour des fausses accusations (et ce alors qu'elles ne représentent que 2 à 6% des plaintes) ou les controverses sur les tenues des femmes qui sont agressées. »

Les résultats de l'étude 2022 sont encourageants sur plusieurs points. Par exemple, en 2022, les Français·es sont 86% à estimer que « avoir un rapport sexuel avec une personne qui dit clairement être non consentante mais qui cède quand on la force » relève du viol, alors qu'ils et elles n'étaient que 79% en 2016. Ou encore, « forcer sa conjointe ou sa partenaire à avoir un rapport sexuel alors qu’elle refuse et ne se laisse pas faire » est identifié par 82% des Français·es comme relevant d'un viol conjugal.

La grande majorité des jeunes hommes a du mal à identifier le viol

Mais derrière ces bons résultats se cachent des disparités, d'abord entre les femmes et les hommes : ces derniers apparaissent toujours moins bien informés de ce qui relève du viol. Ils sont par exemple seulement 87% à considérer qu'« avoir un rapport sexuel avec une personne en état d’ébriété, droguée ou endormie et qui est incapable d’exprimer son consentement » est un viol, quand cela est clair pour 94% des femmes. Surtout, c'est entre les classes d'âge que les différences d'appréciation sont les plus frappantes. Ainsi, seulement 73% des 18-24 ans estiment que « réaliser un acte de pénétration avec le doigt sur une personne qui dit être non consentante mais qui cède quand on la force » est un viol, contre 83% de l'ensemble de la population.

« Cette génération née avec le boom des smartphones a été très fortement exposée à la pornogaphie dès l'entrée dans l'adolescence. Cela a des conséquences graves sur ses représentations en matière de sexualité et, d'une manière plus générale, sur sa représentation des femmes. »

Muriel Salmona

Et les résultats sont encore pires lorsqu'on isole les garçons de cette tranche d'âge : interrogés sur un ensemble de 11 situations relevant du viol, les jeunes hommes de 18 à 24 ans n'étaient que 22% à déceler qu'au moins une de ces situations relevait d'un viol, contre 44% de l'ensemble des Français·es interrogé·es. « Cette génération née avec le boom des smartphones a été très fortement exposée à la pornogaphie dès l'entrée dans l'adolescence, s'alarme Muriel Salmona. Cela a des conséquences graves sur ses représentations en matière de sexualité et, d'une manière plus générale, sur sa représentation des femmes. »

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Capture d'écran issue de l'étude Ipsos pour Mémoire traumatique et victimologie

Par ailleurs, les Français·es sont toujours enclin·es à trouver des excuses aux violeurs. 96% d'entre eux et elles sont au moins d'accord avec un des 11 stéréotypes qui leur ont été soumis et qui atténuent la responsabilité des coupables, de type : « Pour un homme, c’est plus difficile de maîtriser son désir sexuel que pour une femme » (51% des répondant·es sont d'accord avec ce cliché). Mais là encore, une évolution positive est observée. Ces stéréotypes ont en effet tendance à baisser par rapport aux études précédentes. Un exemple : en 2019, 78% des Français·es estimaient que « dans la vie, de nombreux événements sont ressentis comme violents par les femmes alors qu’ils ne le sont pas pour les hommes ». Ils et elles ne sont plus que 69% à le penser en 2022.

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Capture d'écran issue de l'étude Ipsos pour Mémoire traumatique et victimologie
Des victimes encore largement soupçonnées de mentir

En ce qui concerne la suspicion sur les victimes, elle est encore très ancrée dans nos mentalités. Pour 50% des Français·es, au moins l'une de ces cinq situations est « fréquente » : « Accuser une personne de viol par déception amoureuse ou pour se venger » ; « accuser une personne de viol pour attirer l’attention » ; « que des mères manipulent leurs enfants pour qu’ils accusent leur père de viol » (ce pseudo-phénomène correspond au « syndrome d'aliénation parentale ») ; « que des enfants inventent ou mentent en accusant une personne de viol » et « que des personnes handicapées mentales inventent ou mentent en accusant une personne de viol ». Encore une fois, les résultats sont désastreux chez les plus jeunes : le chiffre monte à 68 % chez les 18-24 ans.

Pour autant, Muriel Salmona relève par ailleurs un effet positif de la libération de la parole autour du #MeTooInceste. « On observe un net recul de ce fantasme autour des victimes qui mentent lorsqu'il s'agit de victimes mineur·es ou en situation d'handicap », souligne-t-elle.

Méfiance envers la police

L'enquête souligne également une méconnaissance des numéros d'écoute pour les victimes (26% des Français n’ont entendu parler d’aucun des services à disposition de type 119 ou 39-19) et confirme la défiance des femmes envers les forces de l'ordre, en écho à la vague de témoignages derrière le #DoublePeine. Ainsi, seules 35% des femmes considèrent que les victimes sont bien reçues dans les commissariats ou les gendarmeries, contre 47% des hommes.

Lire aussi l Accueil des femmes victimes de violences : la préfecture de police publie enfin les résultats catastrophiques du rapport commandé en 2018

En signe d'espoir, l'association observe enfin une très grande adhésion de la population aux propositions de Mémoire traumatique et victimologie pour rendre justice aux victimes. 90% des Français·es sont en faveur de l'ensemble d'une imprescriptibilité pour les viols sur mineurs et sur les personnes vulnérables et 87% sont favorables à une imprescriptibilité pour tous les viols, c'est-à-dire peu importe l’âge de la victime.

  1. en terme de genre, âges, professions, régions ou encore catégories d'agglomération[]
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