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© Alexander Shatov

Influenceur·euses : une pro­po­si­tion de loi pour enca­drer la pro­fes­sion met le feu aux poudres

Le gouvernement a présenté, ce vendredi, les conclusions de travaux visant à mieux réguler le secteur de l’influence sur les réseaux sociaux en France. Un travail de plusieurs mois qui a suscité de vives réactions du côté des influenceur·euses demandant à ne pas être considéré·es comme une menace.

Bruno Le Maire a présenté, vendredi 24 mars, une série de mesures visant à réguler le « marketing d’influence » encore soumis à aucune contrainte et qui feront l’objet d’une proposition de loi débattue à l’Assemblée nationale la semaine prochaine. En réaction, 150 influenceur·euses, dont Squeezie et Seb la Frite, ont signé une tribune dans le Journal du dimanche ce 26 mars, qui a fait polémique sur ses intentions et appelait à ne pas « cassez le modèle vertueux qu’[ils et elles] construisent aux quatre coins de la France avec et pour les Français ».

Le locataire de Bercy souhaite en particulier contraindre les 150 000 influenceur·euses français·es, qui, pour certain·es, vivent souvent de la promotion de produits, « aux mêmes règles » publicitaires que les médias traditionnels, selon Le Monde. Ces mesures prennent la forme d’un guide de bonne conduite d’une quinzaine de pages qui doit permettre à chaque influenceur·euse de connaître ses obligations fiscales, sociales…

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« On s'est tous fait avoir de la même manière »

Une régulation qui a soulevé l’inquiétude des stars de YouTube, Instagram ou encore Tiktok. « Nous ne sommes certainement pas parfaits. Nous avons fait des erreurs. Mais notre priorité est et sera toujours la protection des consommateurs, de nos communautés. Nous sommes favorables à un encadrement du secteur », écrivent les 150 signataires de la tribune. Ils et elles demandent aux député·es de ne pas les « considérer comme une menace » et de se garder de « mettre à mal une économie florissante » qui représente « des milliers d’emplois » en aidant à promouvoir les entreprises. « Le débat n’est pas d’être pour ou contre l’influence », concluent-ils et elles.

Mais la publication de cette tribune a soulevé une polémique après que des créateur·rices de contenus l'aient signée sans l'avoir lue. « On a tous signé une tribune après deux trois échanges sur WhatsApp […] On s’est tous fait avoir de la même manière […]  Ça prouve qu’il faut réguler ce milieu », ironise le youtubeur Seb la Frite, interrogé au micro de Sonia Devillers, ce matin, sur France Inter. En effet, hier dans la soirée, Squeezie, le youtubeur au 18 millions d’abonné·es a publié un communiqué engageant sa responsabilité, dans lequel il reconnaît avoir « fait l’erreur de donner [son] accord pour que son nom apparaisse dans une tribune très maladroite » qu’il n’a « même pas lue avant publication ». Il continue : « En réalité, cette tribune ne fait aucune distinction entre les créateurs de contenu et les influenceurs, et semble juste essayer de limiter la casse sur les influenceurs mal intentionnés. »

« Un texte qui responsabilise, mais qui sanctionne aussi »

La plupart des mesures annoncées vendredi seront traduites dans une proposition de loi transpartisane déposée par les députés Stéphane Vojetta (Renaissance) et Arthur Delaporte (PS), examinée en séance publique à l’Assemblée nationale la semaine prochaine. « Ce sera la première fois en Europe qu’un cadre complet de régulation des influenceurs sera mis en place », s’est félicité vendredi Bruno Le Maire, lors d’une conférence de presse à Bercy, selon Le Monde.

Dans le détail, ce « texte qui responsabilise, mais qui sanctionne aussi » propose une définition de « l’activité d’influence commerciale par voie électronique », une interdiction de la promotion de certains types de biens et services (cryptomonnaies, chirurgie esthétique, jeux d’argent et de hasard) ou encore la mise en place de sanctions financières et pénales (deux ans d’emprisonnement, 30 000 euros d’amende), en cas de publicité dissimulée. En effet, une équipe dédiée de quinze enquêteur·rices spécialisé·es, au sein de la répression des fraudes (DGCCRF) en charge de surveiller les réseaux sociaux et d’attribuer des sanctions, sera créée, selon LCP.

Le cadre de régulation passe également par la définition du métier d’agent d’influenceur·euse et la mise en place d’une réglementation pour les mineur·es. Si cette loi concerne 150 000 influenceur·euses, les moins de 16 ans devront désormais obtenir « un agrément préalable auprès des services de l’État » pour être employé·es par une entreprise spécialisée dans l’influence commerciale. Et ils et elles ne pourront toucher immédiatement que 10 % des revenus, le reste restant consigné jusqu’à leur majorité.

Vendredi, le gouvernement a aussi expliqué que « le fait d’afficher l’utilisation d’un filtre ou d’une retouche sur les contenus photo et vidéo lors d’un partenariat rémunéré » sera désormais obligatoire ». Selon Bruno Le Maire, « cela s’appelle simplement de l’honnêteté commerciale », précise BFMTV.

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Un travail de plusieurs mois

En automne dernier, différents groupes parlementaires avaient déposé des premières propositions de loi. Mais c’est seulement en février que l’Assemblée nationale a examiné pour la première fois en séance publique une proposition visant à réguler le secteur, celle d’Arthur Delaporte. Après avoir été partiellement examinée, celle-ci a été retirée en faveur d’un texte transpartisan, explique la chaîne parlementaire.

Depuis le mois dernier, la proposition a été peaufinée par un groupe de travail transpartisan, notamment via des échanges avec le ministère de l’Économie, ainsi qu’un déplacement en Espagne, en pointe sur le sujet. Et les 21 et 22 mars, la proposition de loi a été examinée en commission. Pour Arthur Delaporte, l’adoption de la proposition de loi peut permettre de « faire converger les différentes initiatives » de régulation du secteur venant du Parlement et du gouvernement, rapporte LCP. Objectif : mettre fin à « la loi de la jungle » en protégeant les consommateur·rices et les créateur·rices de contenu qui font leur travail « de manière responsable ».

La toute nouvelle Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenus (Umicc), qui représente les agences du secteur, a salué « des propositions louables et indispensables » mais « appelle les députés à ne pas discriminer ou surréguler » certains acteurs, précise Le Monde.

Un marché à 12 milliards d'euros

Ces derniers mois, le « marketing d'influence » a connu une exposition médiatique et politique inédite et les appels à la régulation se sont faits de plus en plus pressants. En 2022, l'affrontement entre le rappeur Booba et la « papesse des influenceurs » Magali Berdah avait mené à l’ouverture par la justice de deux enquêtes portant sur un litige, alertant les pouvoirs publics sur la nécessité d'agir. Le premier reproche à la seconde de promouvoir des arnaques, en retour, elle l’accuse de cyberharcèlement.

En janvier, la répression des fraudes a publié une enquête accablante sur les pratiques du secteur : tromperie sur les produits vendus, promotion de paris sportifs risqués, voire d’injections « par des esthéticiens et des non-professionnels de santé », appelant à la prise de conscience. Un collectif nommé AVI (pour « aide aux victimes d’influenceur·ses ») avait au même moment annoncé le lancement d’une action en justice par des dizaines de personnes, entre autres pour « escroquerie » et « abus de confiance ». Elles estiment avoir été arnaquées en investissant dans des produits financiers vantés par des influenceur·euses, dont un couple exilé à Dubaï, Marc et Nadé Blata, détaille le quotidien. Mais malgré ces dérives, le « marketing d’influence » explose. En 2021, le marché mondial était estimé à quelque 12 milliards d’euros.

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