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© Zhivko Minkov / Unsplash

Harcèlement sco­laire : un·e enfant sur cinq vic­time selon une nou­velle étude

À l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, une enquête de l’Ifop pour l’association Marion la main tendue montre qu’un·e élève sur cinq en est victime, alors que le ministère de l’Éducation nationale parlait d’un·e sur dix jusqu’à présent. 

Selon le ministère de l’Éducation nationale, le harcèlement scolaire touche en France un enfant sur dix. Soit un million de victimes par an. Des chiffres qui seraient en réalité largement sous-évalués. C’est l’amer constat établi par l’association de prévention et de lutte contre le harcèlement scolaire, Marion la main tendue, qui a présenté, mardi matin, à la presse et aux élèves du collège privé Ipécom, sa récente étude sur le sujet. Réalisée en ligne par l’Ifop* à l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, l’enquête a été menée en septembre dernier auprès de 1 001 collégien·nes, des lycéen·nes, 200 professeur·es et 1 001 parents.

Selon elle, ce n’est pas un·e ado sur dix, mais un·e sur cinq qui sont victimes. En tout, 16 % des collégiens et lycéens ont subi des violences physiques, verbales ou psychologiques, tous les jours ou plusieurs fois par semaine durant au moins un mois. Et 19 % si on écarte ce critère de durée. “Les chiffres qu’on nous balance depuis dix ans ne corroborent pas du tout la réalité du terrain”, condamne la fondatrice de Marion la main tendue, Nora Tirane Fraisse, en préambule de la présentation. Pour autant, celle qui a fait de la lutte contre le harcèlement scolaire son combat depuis le suicide de sa fille, Marion, il y a dix ans, n’est pas étonnée. “On se disait ‘ce n’est pas possible’ : dans une classe de trente élèves, on a bien plus que trois enfants qui nous parlent de ces sujets-là.”

“Cette étude vient enfin corroborer ce qu’on constate sur le terrain depuis dix ans”

La différence entre les chiffres de l’association Marion la main tendue et ceux du ministère de l’Éducation nationale s’explique, selon Nora Tirane Fraisse, par le caractère inédit de l’étude. “Dans les enquêtes de victimation du ministère de l’Éducation nationale, la question du harcèlement n’est jamais posée. Cette étude vient enfin corroborer ce qu’on constate sur le terrain depuis dix ans”, assure-t-elle.

L’étude révèle que le harcèlement scolaire se concentre majoritairement au collège, dans 53 % des cas. Dans 6 % des cas, au lycée et dans 27 % à l’école primaire. Mais les faits se déroulent rarement dans les salles de classe. Le harcèlement a principalement lieu dans la cour de récréation dans 94 % des cas, 83 % dans les couloirs et 60 % à la cantine. “Ce sont à chaque fois des lieux qui échappent à la surveillance des équipes pédagogiques”, souligne Nora Tirane Fraisse. D’où l’importance, selon elle, de “former les assistants d’éducation et les conseillers principaux d’éducation” afin de “travailler sur un véritable bâti scolaire”.

Des moqueries dans 91 % des cas 

L’étude indique aussi que pour 30 % des élèves victimes de harcèlement, ces situations de violences ont lieu à l’internat. “On s’est rendu compte que le huis clos de l’internat, loin des parents, favorise le harcèlement scolaire”, souligne Nora Tirane Fraisse. Autre constat : la surreprésentation des enfants en situation de handicap (35 %). Pour Nora Fraisse, “il est urgent de mener une vraie politique de protection des élèves en situation de handicap”.  

Les élèves victimes de harcèlement disent devoir faire face à différentes formes de violences : moqueries dans 91 % des cas, insultes (89 %), mises à l’écart (86 %), agressions physiques (66 %), fausses rumeurs (66 %) et messages blessants en ligne ou par téléphone (53 %). Dans huit cas de harcèlement en milieu scolaire sur dix, ces situations de violence impliquent un groupe d’élèves. “Une meute”, comme les appelle Nora Tirane Fraisse, qui appelle à en finir avec l’idée du·de la harceleur·euse solitaire. Car l’étude rappelle que les conséquences du harcèlement scolaire peuvent être dramatiques. En tout, 58 % des jeunes interrogé·es se disant harcelé·es ont déjà “pensé à se faire du mal à cause de leur vécu à l’école”. En cas de harcèlement scolaire, l’étude indique que tout juste la moitié des élèves harcelé·es (51 %) en parlent au moment des faits. 33 % quelques mois ou années plus tard. Et 16 %, jamais. Lorsqu’ils·elles en parlent, c’est très majoritairement à leurs parents (81 %) et assez peu à leurs professeur·es (16 %).

Trois quarts des élèves ne connaissent pas le numéro d’aide 

En ce qui concerne la politique de lutte contre le harcèlement scolaire, elle n’est pas à la hauteur selon les jeunes interrogé·es. Un sentiment que l’on retrouve d’ailleurs chez les élèves présent·es mardi lors de la présentation. “Pourquoi l’État n’agit pas ?” s’interroge ainsi Arthur, en cinquième. Le harcèlement scolaire a pourtant été érigé en priorité du gouvernement pour l’année scolaire 2023-2024, après le suicide, au printemps, de Lindsay, 13 ans, collégienne dans le Pas-de-Calais. Fin septembre, la Première ministre, Élisabeth Borne, a sonné la “mobilisation générale” pour mener “une lutte implacable” contre le harcèlement scolaire. “Vous n’êtes pas seuls”, avait-elle lancé à l’adresse des élèves harcelé·es. Concrètement, le gouvernement va déployer ce jeudi un questionnaire anonyme à destination des élèves du CE2 à la terminale dans tous les établissements scolaires pour permettre de déceler des cas de harcèlement.

Dans les faits, selon l’étude, les trois quarts des élèves interrogé·es ne connaissent pourtant pas le 3020, le numéro d’aide aux victimes. Quant aux enseignant·es, ils·elles sont 65 % à indiquer ne pas se sentir armé·es pour prévenir ou gérer une situation de harcèlement. D’ailleurs, 45 % ne savent même pas si leur établissement fait partie du programme Phare de lutte contre le harcèlement scolaire, rendu obligatoire depuis septembre dans chaque école, collège et lycée. Ce programme consiste pourtant à former des enseignant·es et, pour les élèves, prévoit dix heures par an d’apprentissage des compétences émotionnelles et relationnelles propres à prévenir le harcèlement. “Quand on nous annonce 60 à 86 % des établissements en France dans le programme, ils sont en effet inscrits mais vous ne pouvez pas avoir que 5 % des enseignants [concernés, ndlr]. On a vraiment un décalage entre ce qui nous est annoncé et la réalité, constate de nouveau Nora Tirane Fraisse pour qui ce programme est une “nécessité absolue”.  

Pour elle, l’autre nécessité réside dans le durcissement des sanctions à l’encontre des harceleur·euses. Elle montre en exemple la relaxe, lundi, des quatre mineur·es poursuivi·es pour harcèlement à l’encontre de Lucas, un ado de 13 ans qui s’est suicidé en janvier dernier. “Je ne suis pas déçue, je ne suis pas étonnée, je suis seulement extrêmement triste, déplore Nora Tirane Fraisse. Triste de constater qu’il y a toujours aujourd’hui un sentiment d’impunité très fort. Quoi qu’il arrive, il ne se passe rien, même lorsqu’un enfant meurt.


Suicide de Nicolas : Gabriel Attal souhaite une “procédure disciplinaire” contre l’ex-rectrice

Mardi, Gabriel Attal a annoncé souhaiter une “procédure disciplinaire” à l’encontre de l’ancienne rectrice de Versailles, Charline Avenel. En mai dernier, cette dernière avait envoyé un courrier au ton menaçant aux parents de Nicolas, 15 ans, qui s’étaient plaints auprès de l’établissement du harcèlement scolaire que subissait leur fils. L’adolescent s’est donné la mort quatre mois plus tard, au lendemain de la rentrée scolaire. Une mission d’inspection a enquêté “sur les conditions dans lesquelles un courrier aux termes profondément choquants a pu être adressé à cette famille. Ce qui ressort des travaux de la mission, c’est que ce courrier, en ces termes, n’aurait jamais dû être adressé à cette famille, dans cette situation”, précise le ministère de l’Éducation nationale. De son côté, Charline Avenel, qui a quitté ses fonctions en juillet 2023, “a appris avec stupéfaction que le ministre de l’Éducation entendait engager des poursuites disciplinaires à son encontre, alors même que le rapport d’inspection ne retiendrait aucune faute ni manquement la concernant”, a réagi son avocat. 

Pour signaler toute situation de harcèlement ou de cyberharcèlement, que vous soyez victime ou témoin, il existe des numéros de téléphone gratuits, anonymes et confidentiels : le 3020 (harcèlement à l’école) et le 3018 (cyberharcèlement), joignables du lundi au samedi, de 9 heures à 20 heures. D’autres informations sont également disponibles sur le site du ministère de l’Éducation nationale.

* Étude Ifop pour l’association Marion la main tendue et Head & Shoulders.

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