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© DR et capture écran TF1

Féminicide de Shaïna Hansye : à Creil, un jar­din pour faire vivre la mémoire de l’adolescente assas­si­née il y a cinq ans 

Cinq ans après le fémi­ni­cide de Shaïna Hansye, le jar­din ouvrier où l’adolescente de 15 ans a été poi­gnar­dée et brû­lée vive a enfin fait place à un lieu de mémoire pour ses proches et sa famille. L’aboutissement d’une longue quête pour Yasin Hansye, à trois semaines du pro­cès de deux des agres­seurs de sa petite sœur. 

Comme tou­jours, pour hono­rer la mémoire de sa petite sœur, Yasin Hansye n’a rien lâché. Il lui aura fal­lu près de cinq ans, mais ça y est, les tra­vaux se sont ache­vés mer­cre­di 29 mai. À l’endroit même où sa sœur, Shaïna, 15 ans, a été poi­gnar­dée puis brû­lée vive le 25 octobre 2019 par son petit ami se trouve désor­mais un jar­din du sou­ve­nir, un lieu de mémoire et de recueille­ment pour ses proches et sa famille. 

Le petit jar­din est entou­ré de palis­sades en bois. A l’intérieur, quelques par­terres de fleurs, une fon­taine en marbre et un petit banc de bois clair ont rem­pla­cé les herbes hautes et les brous­sailles de l'ancien jar­din ouvrier du Plateau de Creil (Oise) lais­sé à l’abandon depuis plu­sieurs années et où les jeunes du quar­tier avaient pris l'habitude de se retrou­ver. Hormis le caba­non désaf­fec­té dans lequel avait été retrou­vé le corps cal­ci­né de Shaïna, déjà rasé depuis long­temps, rien d’autre n’avait bou­gé en cinq ans. À l’image de l’arbre acco­lé au caba­non qui avait sur­vé­cu aux flammes de l'incendie. Le der­nier stig­mate visible du fémi­ni­cide de Shaïna a fina­le­ment dû être abat­tu. Un magno­lia vient d’y être plan­té à la place. “On aimait beau­coup cet arbre, il sym­bo­li­sait la force de ma petite sœur, mais il avait été trop abî­mé par les flammes”, explique Yasin Hansye, 26 ans, à Causette

Les par­celles des jar­dins ouvriers appar­te­nant au bailleur social Oise Habitat, ces der­nières sont pri­vées et il faut un badge pour y accé­der. “La ville de Creil a rache­té le ter­rain au bailleur et nous l’a gra­cieu­se­ment mis à dis­po­si­tion avec un bail renou­ve­lable de 99 ans, indique-​t-​il. Dans l’idéal on aurait évi­dem­ment aimé que ce jar­din soit public et ouvert à tous, on l’avait deman­dé à la muni­ci­pa­li­té, mais cela n'a pas pu être possible.” 

C’est pour­quoi Yasin compte bien orga­ni­ser une céré­mo­nie publique à chaque anni­ver­saire de la mort de sa sœur. “Tout le monde pour­ra venir dépo­ser des fleurs et faire une minute de silence en hom­mage à Shaïna”, explique-​t-​il. En atten­dant la pre­mière céré­mo­nie, qui devrait donc avoir lieu le 25 octobre pro­chain, la famille de Shaïna espère qu’une inau­gu­ra­tion “offi­cielle” du jar­din avec la muni­ci­pa­li­té de Creil pour­ra avoir lieu dans les pro­chaines semaines. “J’attends une réponse de la mai­rie”, sou­ligne Yasin Hansye.

Lire aus­si I Féminicide de Shaïna Hansye : un grand cœur assassiné

Pour la famille de Shaïna, la volon­té de trans­for­mer un lieu empli de dou­leurs en un lieu de mémoire s’est impo­sée rapi­de­ment, seule­ment quelques semaines après le fémi­ni­cide de la jeune fille. “Pour moi, on ne pou­vait pas par­ler du fémi­ni­cide de ma sœur comme d’un sym­bole des vio­lences faites aux femmes et en même temps ne rien faire pour l’endroit où elle a été assas­si­née”, raconte Yasin Hansye aujourd’hui. Le corps de Shaïna repose à quelques kilo­mètres de là, au cime­tière du Plessis-​Pommeraye de Creil, mais pour que “per­sonne ne l’oublie”, sa famille avait deman­dé dès 2019 à la ville de Creil une plaque com­mé­mo­ra­tive en lieu et place du caba­non ain­si qu’une rue à son nom. 

Sans réponse de la muni­ci­pa­li­té et ce mal­gré de mul­tiples relances, Yasin avait fina­le­ment lan­cé une péti­tion en décembre der­nier sur le site Change.org. Devant le sou­tien mas­sif – la péti­tion a recueilli plus de 38 000 signa­tures -, la ville avait fini par accor­der cet amé­na­ge­ment et les tra­vaux avaient débu­té en avril der­nier. “Au début, ça a été un peu dif­fi­cile de se faire entendre, les rela­tions étaient un peu com­pli­quées avec la muni­ci­pa­li­té, admet le jeune homme. Mais on a su trou­ver un ter­rain d’entente, ils ont tout fait pour que ce jar­din soit comme on le vou­lait et on les remer­cie pour cela. ” Il ajoute que la rue au nom de Shaïna est tou­jours en dis­cus­sion avec la mai­rie de Creil.

Lieu de recueillement 

“On est vrai­ment très heu­reux du résul­tat, pour­suit Yasin. À chaque fois qu’on y va, on a un grand sou­rire car on sait qu’après le cime­tière on peut aus­si venir ici pour se recueillir, c’était très impor­tant pour nous.” Au milieu du jar­din, une plaque de marbre a d’ailleurs été ins­tal­lée sur laquelle on peut lire, gra­vé en lettres dorées : “Jardin pri­vé dédié à la mémoire de Shaïna Hansye, notre prin­cesse qui nous a quit­tés trop tôt le 25 octobre 2019. Qu’elle repose en paix. Papa, Maman, Yasin et Hélène [la com­pagne de Yasin, ndlr] qui t’aiment et t’aimeront pour tou­jours.” 

Selon Yasin, les habitant·es du pla­teau de Creil atten­daient eux·elles aus­si de longue date l’aménagement de ce lieu de mémoire. Pendant long­temps, les Hansye ont eu peur d’installer une stèle com­mé­mo­ra­tive de peur qu’elle soit van­da­li­sée en rai­son de la répu­ta­tion de “fille facile” de Shaïna, for­gée dans la cité par ses agres­seurs à la suite d’un viol col­lec­tif deux ans avant sa mort. Un temps aujourd’hui révo­lu d’après son frère. “Pendant long­temps, il y a eu les ‘pro-​Shaïna’ et les ‘pro-​meurtrier’ dans le quar­tier, c’était très angois­sant pour nous, raconte-​t-​il. Mais avec la condam­na­tion du meur­trier de Shaïna, il n’y a plus d’histoire de répu­ta­tion. Les men­ta­li­tés ont chan­gé et tout le monde nous sou­tient. Tout le monde sait qui est aujourd’hui le cou­pable et qui est la vic­time.” Pour l’assassinat de Shaïna Hansye, la cour d’assises pour mineurs de l’Oise a condam­né l’ex-petit ami de la jeune femme à dix-​huit ans de réclu­sion cri­mi­nelle en juin 2023. Il n’a pas fait appel de cette condam­na­tion. “Un aveu de culpa­bi­li­té” pour le grand frère. 

Lire aus­si I Laure Daussy : “Les répu­ta­tions balafrent par-​delà l’adolescence”

Fin d’un mara­thon judiciaire 

Pour les Hansye, l’éprouvant mara­thon judi­ciaire n’est néan­moins pas encore ter­mi­né. La famille se pré­pare actuel­le­ment au pro­cès qui devrait pro­chai­ne­ment le clô­tu­rer. Celui de deux des agres­seurs de Shaïna, qui aura lieu au tri­bu­nal de Senlis (Oise) le 25 juin pro­chain. Ces der­niers, qui avaient été condam­nés en appel pour “agres­sion sexuelle” en juin 2023 à des peines allant de six mois à deux ans avec sur­sis, seront de nou­veau jugés cette fois pour “vio­lences aggra­vées”, “vol” et “menace de mort”. Quelques mois avant sa mort, Shaïna avait été rouée de coups pour avoir por­té plainte à la suite du viol col­lec­tif. “On est très heu­reux de l’ouverture du jar­din, mais on a quand même le pro­cès qui arrive dans un coin de notre tête”, pointe jus­te­ment Yasin.

Les parents de Yasin et de Shaïna, Parveen et Muhamad Hansye, habitent tou­jours sur le pla­teau de Creil, à quelques cen­taines de mètres du jar­din où Shaïna a été assas­si­née. Yasin, lui, a démé­na­gé depuis, mais vit tou­jours sur Creil avec sa com­pagne, Hélène. “Ça a été très dur pour moi de vivre dans le quar­tier après tout ça et même encore aujourd’hui. Creil reste une petite ville et je peux tou­jours croi­ser la famille du meur­trier et celles des agres­seurs de ma sœur. Ce n’est pas évident pour moi de vivre dans une atmo­sphère comme celle-​là, soutient-​il, se repre­nant tout de suite : mais aujourd’hui, je me sens bien ici.” 

Le jeune homme de 26 ans a pu obte­nir un tra­vail au sein de la muni­ci­pa­li­té de Creil et tente aujourd’hui de bâtir sa propre vie lui qui, avec le fémi­ni­cide de sa sœur et la longue bataille judi­ciaire qui a sui­vi, “n’a pas vrai­ment eu de jeu­nesse”. “Je sais que je ne tour­ne­rai jamais la page sur le fémi­ni­cide de ma sœur, mais j’essaie de me recons­truire petit à petit”, confie-​t-​il. Preuve de cette lente recons­truc­tion, Yasin et sa com­pagne Hélène attendent leur pre­mier enfant pour le mois de sep­tembre. Ultime hom­mage à la mémoire de Shaïna qui aurait eu 20 ans cette année. 

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