Mediapart Moaddem1
© Mediapart / Wikimedia Commons

Des socié­tés de jour­na­listes apportent leur sou­tien à Nassira El Moaddem, cible d’attaques racistes et sexistes de l’extrême droite

La jour­na­liste d’Arrêt sur images subit, depuis trois jours, une défer­lante de haine raciste à la suite d’un tweet dans lequel elle accu­sait la France d’être un “pays de racistes dégé­né­rés”. La vague de har­cè­le­ment a été lan­cée par le dépu­té RN Julien Odoul et la sphère des médias d’extrême droite tou­jours plus audibles dans notre pays.

À lire la vio­lence et l’obscénité des pro­pos qui s’abattent, par cen­taines, sur Nassira El Moaddem, c’est à se deman­der si elle n’avait pas rai­son quand elle a twee­té, le 30 avril, sur le “pays de racistes dégé­né­rés” dans lequel nous évo­lue­rions. “Vous êtes pute ou jour­na­liste ?” ; “Retourne dans ton pays de merde boire de la pisse de cha­meau salope” ; “Sale fas­ciste musul­mane”, a pu-​t-​on lire. D’autres tweets for­ma­lisent des menaces de mort et de viol.

La jour­na­liste d’Arrêt sur images (@SI) – qui a déjà col­la­bo­ré avec Causette par le pas­sé – avait réagi en ces exacts termes : “Pays de racistes dégé­né­rés. Il n’y a pas d’autres mots. La honte” à l’information selon laquelle la Fédération fran­çaise de foot­ball a fait inter­dire le port de col­lants et de casques sur les ter­rains de foot ama­teur au nom de la laï­ci­té, consi­dé­rant que ces acces­soires pou­vaient être détour­nés à des fins religieuses.

Suivie par plus de 113 000 per­sonnes sur X et enga­gée contre l’extrême droite, Nassira El Moaddem est régu­liè­re­ment la cible d’attaques mêlant racisme et sexisme. Mais la séquence de cybe­rhar­cè­le­ment actuelle est sans com­mune mesure avec les pré­cé­dentes, et pour cause : c’est le média­tique dépu­té du Rassemblement natio­nal (RN) Julien Odoul qui a allu­mé la mèche sur CNews, dans l’émission Morandini Live dif­fu­sée le 1er mai. Interpelé sur le com­men­taire de Nassira El Moaddem par un Jean-​Marc Morandini flai­rant le coup de buzz, le dépu­té de l’Yonne lâche : “Si elle n’est pas contente, elle se casse”. Un appel à la “remi­gra­tion” usuel au Rassemblement natio­nal, ne s’encombrant évi­dem­ment pas du fait que la jour­na­liste est née en France. “Voilà le visage de l’extrême droite raciste, a com­men­té l’intéressée sur X. Elle pour­ra faire toutes les opé­ra­tions de ripo­li­nage qu’elle sou­haite, les gens comme moi n’ont, pour eux, pas le droit d’être ici.” 

Des militant·es d’extrême droite ont embrayé dans le sillage du dépu­té, à l’instar d’Alice Cordier, lea­der du mou­ve­ment fémi­niste iden­ti­taire Némésis et elle-​même invi­tée régu­lière de CNews. Le 2 mai, celle-​ci tweete : “Suite à vos demandes, j’ai déci­dé de lan­cer une cagnotte pour offrir un billet d’avion à Nassira El-​Moaddem pour le pays de son choix afin qu’elle puisse quit­ter ‘la France, ce pays de racistes’”, avant que la cagnotte en ligne soit sup­pri­mée. L’élu muni­ci­pal PS de Roanne Salim Djellab a adres­sé un cour­rier au pro­cu­reur de la République à l’encontre d’une ini­tia­tive lui sem­blant “consti­tuer un délit”. "[Elle] est non seule­ment dis­cri­mi­na­toire, mais elle pro­meut éga­le­ment un concept raciste qui met en avant la notion de réim­mi­gra­tion”, écrit l’élu.

Condamnation du bout des lèvres de Radio France

De son côté, pas à une approxi­ma­tion près, Julien Odoul a éga­le­ment appe­lé la patronne de Radio France, Sibyle Veil, à “sus­pendre” Nassira El Moaddem, qui n’est pour­tant plus pré­sente à l’antenne de France Inter depuis 2022, période où elle a ani­mé l’émission Parcours de com­bat­tants.

Cette som­ma­tion à l'audiovisuel public depuis téléBolloré, relayée sur X par des partisan·nes d'Odoul, a occa­sion­né un éton­nant com­mu­ni­qué de la direc­tion de France Inter, via sa média­trice. La pre­mière ver­sion de ce texte indi­quait ain­si : "Chers audi­teurs, nous avons bien reçu vos mes­sages et nous com­pre­nons votre réac­tion." Une seconde ver­sion se borne ensuite à pré­ci­ser que "les pro­pos concer­nés" ne peuvent "enga­ger" la radio puisqu'elle n'y tra­vaille plus. Enfin, la ver­sion actuel­le­ment en ligne apporte une forme de sou­tien timide et tar­dif à la jour­na­liste har­ce­lée : "Pour autant, nous tenons à condam­ner les attaques vio­lentes qu’elle subit ces der­nières heures sur les réseaux sociaux." De quoi sou­le­ver l'indignation chez certain·es auditeur·rices qui l'ont fait savoir sur les réseaux sociaux, au moment même où Radio France a sus­pen­du, avant un entre­tien dis­ci­pli­naire, l'humoriste Guillaume Meurice pour sa com­pa­rai­son récem­ment réité­rée à l'antenne du pré­sident israé­lien Benyamin Netanayhou à "un nazi sans prépuce". 

Lire aus­si l "Hasta la rigo­lade siempre" : Guillaume Meurice annonce son retrait tem­po­raire de France Inter avant un entre­tien pou­vant débou­cher sur la fin de son contrat

En paral­lèle, Nassira El Moaddem a béné­fi­cié d’un large sou­tien de confrères et consœurs, en pre­mier lieu desquel·les ceux et celles de son propre média, @SI. “Toute la rédac­tion d’Arrêt sur images se joint à son rédac­teur en chef, Paul Aveline, pour dénon­cer le har­cè­le­ment raciste que subit notre col­lègue Nassira El Moaddem de la part de l’extrême droite, relayée par les médias Bolloré”, écrit le média en ligne. Il a été rejoint par des tweets de soli­da­ri­té du Canard enchaî­né, de la Société des jour­na­listes et du per­son­nel de Libération et de la Société des rédac­teurs du Monde.

"Je main­tiens à 100%"

Quant à la Société des jour­na­listes de Radio France, elle a même publié un com­mu­ni­qué ce ven­dre­di 3 mai pour conspuer la réac­tion de la direc­tion de la pre­mière radio de France. “La direc­tion de France Inter, qui avait à juste titre dénon­cé les attaques contre une jour­na­liste de LCI en décembre der­nier [Ruth Elkrief, atta­quée par Jean-​Luc Mélenchon, ndlr] s’honorerait à prendre aus­si publi­que­ment la défense d’une consœur et ex-​salariée vic­time d’un tel racisme décom­plexé”, apostrophe-​t-​elle.

Nassira El Moaddem a tenu à remer­cier les jour­na­listes et inter­nautes qui la sou­tiennent et lui envoient des mes­sages qui “comptent énor­mé­ment”. Parce qu’elle est “la cible régu­lière de raids racistes, isla­mo­phobes, de menaces de mort et de viol”, elle pré­cise assu­mer ses pro­pos sur le racisme sys­té­mique de plus en plus décom­plexé en France, où les son­dages donnent l’extrême droite (RN et Reconquête!) à 40 % d’intentions de vote :Pays de racistes dégé­né­rés’. Je main­tiens 100 % ces termes.”

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.