OCorno cAmador Lorenzo 2 copie
O Corno, une histoire de femmes / © Epicentre

“O Corno, une his­toire de femmes”, “Le Jeu de la reine”, “Paternel” : les sor­ties ciné de la semaine

Le superbe récit d’émancipation d’une femme proscrite dans l’Espagne de Franco, le biopic féministe d’une reine longtemps sous-estimée dans l’Angleterre du XVIe siècle, le cheminement délicat d’un prêtre se découvrant père dans la France d’aujourd’hui : voici les sorties ciné du mercredi 27 mars.

O Corno, une histoire de femmes

Liberté, maternité, sororité : voilà un triptyque engageant ! Il l’est d’autant plus lorsqu’il motive et anime, comme ici, un film qui conjugue poétique et politique avec une rare intensité. Et pour cause : O Corno, deuxième long-métrage de la réalisatrice espagnole Jaione Camborda, a fait du corps féminin son sujet central, mêlant beauté, douleur et engagement comme peu avant elle.  

Voyez son intrigue, qui nous projette dans la campagne galicienne en 1971, sous la dictature de Franco. C’est là, dans ce décor superbe miné par un sentiment d’oppression permanent, que vit la très indépendante Maria, qui assiste les femmes lorsqu’elles accouchent et, plus occasionnellement, lorsqu’elles ne veulent pas avoir d’enfant. Jusqu’au jour où elle est contrainte de fuir le pays après avoir tenté d’aider une adolescente en détresse (rappelons que l’avortement était strictement interdit alors en Espagne). Un voyage périlleux qui l’amènera jusqu’au Portugal voisin, où elle prendra conscience qu’elle n’est pas seule…

S’émanciper du joug religieux et patriarcal, telle est l’idée première de ce parcours imprévisible et haletant, qui voit Maria, une simple pêcheuse de coquillages au départ, s’affranchir toujours plus au contact d’autres femmes, ses sœurs de hasard par-delà les frontières (le film jongle d’ailleurs joliment avec les langues galicienne et portugaise). Cette solidarité n’est pas seulement émouvante, elle résonne aussi comme un geste politique puisqu’elle s’oppose en tout point à la solitude dans laquelle la société veut enfermer Maria, l’obligeant à la clandestinité sinon à la prison (Janet Novas, danseuse de profession, est captivante dans ce rôle très physique).

Nul hasard, d’ailleurs, si le mouvement et même l’élan vital sont de mise de bout en bout ! S’ouvrant sur une longue scène d’accouchement, filmée comme jamais, au plus près du corps, de la respiration et des contractions de la future mère, O Corno accorde une place très grande à la puissance des corps, donc, comme à celle de la nature, vibrante, chaleureuse, protectrice. Bien que traversé d’épreuves et de doutes (Maria est, heureusement, une héroïne multifacettes…), ce film en forme de parabole se présente bel et bien comme une célébration de la vie et de la liberté. Hier comme aujourd’hui (bien que dépénalisé en 1985 et légalisé en 2010, l’avortement continue d’être un sujet de débat en Espagne, sous la houlette active de l’extrême droite catholique).  

ocorno aff grande 3 scaled 1
O Corno, une histoire de femmes, de Jaione Camborda.  © Epicentre

Le Jeu de la reine

Entrez sans crainte dans Le Jeu de la reine, film d’époque et en costumes signé Karim Aïnouz ! Nul besoin en effet de connaître l’Angleterre du XVIe siècle ni ses vicissitudes religieuses et guerrières, bien que le cinéaste brésilien ait choisi ce cadre singulier pour dérouler l’intrigue de son nouveau long-métrage. Ouf ! Nul besoin non plus de maîtriser la biographie du roi Henri VIII, funeste “Barbe bleue” connu pour avoir répudié, emprisonné ou fait décapiter nombre de ses épouses, bien que ce récit nous ramène à lui, alors au crépuscule de sa vie, et à sa cour. Re-ouf ! La raison est simple : ce qui captive, ici, ce sont moins les fastes de ce décor morbide que la personnalité et le parcours de Catherine Parr, l’étonnante héroïne de cette fresque classique.

Notez que c’est la toute première fois que la sixième et dernière épouse d’Henri VIII occupe la place centrale d’un film et que, au vu de ces compétences et qualités, on se demande bien pourquoi elle fut si longtemps sous-estimée, voire reléguée. Hum… Une fascination constante du cinéma pour les seules figures masculines dominantes, peut-être ? De fait, Catherine occupe une place à part dans son époque et dans la vie du roi, ceci expliquant sans doute cela. Ainsi, cette érudite devint la première femme d’Angleterre à publier un livre sous son nom (un texte religieux). Par ailleurs, elle noua des liens aimants avec ses beaux-enfants (notamment la future Elisabeth Ier, dont elle aiguisa l’intelligence) et eu l’aplomb de survivre à son époux, en dépit des complots ourdis contre elle…

Voilà, en tout cas, ce que nous raconte ce biopic féministe, certes un brin académique formellement parlant, mais tout à fait réussi en matière de rythme, de tension et d’intelligence du récit. Construit à la façon d’un jeu d’échecs, il met en lumière l’esprit vif de Catherine, mais aussi son courage, puisqu’elle doit sans arrêt anticiper – pour survivre ! – les humeurs paranoïaques et violentes de son mari, de même que les coups fourrés des nobles bigots et autres religieux de la Cour, qui lui reprochent sa trop grande sympathie pour les idées de la Réforme. Cette héroïne d’hier est d’autant plus fascinante qu’elle est incarnée par Alicia Vikander, tout en maîtrise, finesse et justesse, face à un Henri VIII certes à bout de souffle, mais pas de cruauté (Jude Law est méconnaissable dans ce rôle !).

Capture decran 2024 03 25 a 14.59.10
Le Jeu de la reine, de Karim Aïnouz.  © Brouhaha Entertainment

Paternel

Un sujet intéressant, un récit bien construit, un grand acteur pour porter l’ensemble : voilà pour les qualités du premier film de Ronan Tronchot. Certes, il ne brille pas par ses qualités de mise en scène, un brin platounette. Mais cette “transparence”, option téléfilm, a le mérite de nous laisser apprécier la délicatesse de sa narration.

Et il en faut pour accompagner sans encombre le héros de Paternel ! En effet, Simon, la quarantaine, est un prêtre dévoué à sa paroisse, nichée dans une petite ville du centre de la France. Jusqu’ici tout va bien… quand, soudain, Louise, une femme croisée il y a des années, refait surface et lui apprend qu’il est le père de son fils, Aloé, 11 ans. Mieux encore, elle le lui confie quelques jours, bouleversant à jamais son quotidien…

Question : Simon peut-il être un bon prêtre et un bon père en même temps ? Lui, tout en rondeur, engagement et honnêteté, pense que, oui, tandis que son évêché et les plus hautes instances de l’Église décrètent que non. Rien de spectaculaire pour autant. Car plutôt que de nous proposer un film-dossier polémique sur le célibat des prêtres, Ronan Tronchot préfère s’intéresser au cheminement intérieur de Simon, un homme sincère, touchant, qui ne sait plus trop à quel saint se vouer.

Il fait bien : Grégory Gadebois est confondant d’humanité dans ce rôle chahuté. Aussi généreux que son personnage, il laisse suffisamment de place, d’ailleurs, aux personnages secondaires pour exister (saluons les performances de Géraldine Nakache, sobrement débordée dans le rôle de la mère d’Aloé, et de Lyes Salem, une fois encore excellent dans celui d’un prêtre d’origine maghrébine). En clair, Grégory Gadebois a la grâce !

paternel
Paternel, de Ronan Tronchot.  © Les films du clan - Micro Climat Studios

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.