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© Editions Finitude, © Editions La langue des choses cachées, © Corps de ferme

Cécile Coulon, Joseph Incardona… : nos romans coups de cœur de la ren­trée de janvier

Cécile Coulon, Agnès de Clairville et Joseph Incardona ont retenu l’attention de Causette en cette rentrée littéraire de janvier.

“La langue des choses cachées”, de Cécile Coulon

Cécile Coulon est une des plumes les mieux affûtées de la littérature française actuelle. Pour autant, elle est aussi de celles qui changent de braquet à chaque livre. Comme les précédents, son nouveau roman nous plonge illico dans une ambiance décalée, rurale, mais le ton, lui, est différent.

Voyez plutôt ce prologue et sa puissance lyrique : “Car c’est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent, en prenant avec les cieux de funestes engagements.” Vaste programme ! Puis le récit se resserre sur un individu. Un jeune homme, dans la nuit noire, arrive dans un hameau nommé Le Fond du puits. Puis il se rend dans une demeure pour le moins damnée puisque l’homme qui l’occupe est un violent (et un violeur), que sa femme est morte et que leur enfant est mourant. Au village, c’est une guérisseuse qu’on avait appelée pour régler cette affaire. Mais cette fois, c’est son fils qu’elle a envoyé : notre homme. Pourquoi ? C’est ce que vous découvrirez… Car il s’en est passé, des drames, dans cette maison, et même dans ce hameau, entre des hommes et des femmes. Le récit raconte une nuit (l’enfant guérira ?), mais révèle aussi ce que cachait cette fameuse “langue cachée” évoquée dans le titre du roman. L’écriture de Coulon nous entraîne dans un corps-à-corps entre vengeances et expiations, entre anges et démons, entre hommes et femmes, entre fils et mères. Et si son nouveau roman est son plus court à ce jour, c’est que la prose, bien qu’aussi visuelle qu’à l’accoutumée, est ici encore plus marquée que d’habitude par l’art de la poésie, que Coulon pratique depuis des années.

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La Langue des choses cachées, de Cécile Coulon. L’Iconoclaste, 144 pages, 17,90 euros.

“Corps de ferme”, d’Agnès de Clairville  

En 2022, Agnès de Clairville avait publié un saisissant premier roman, aux accents personnels, qui portait sur le consentement et la maltraitance : La poupée qui fait oui. En 2024, elle élargit le champ sans cesser de jouer collectif. Très collectif même, puisqu’elle se met dans l’esprit et la peau de quatre… animaux, qu’elle fait parler : domestiques (une chienne épagneule, un chat tigré), fermiers (une vache, des porcs), et des airs (une pie). Chacun raconte ses conditions de basse vie : les périodes de rut et de chaleurs, la chasse, la traie. Ils racontent aussi ce qu’ils voient chez la famille qui tient “leur” ferme : le dur labeur, pour les enfants comme pour les adultes, leur façon de se parler et, au fur et à mesure que les enfants grandissent, leur façon de ne plus tout se dire. Jusqu’à un événement que vous verrez par le truchement de plusieurs yeux. Ici, tous les êtres sont vivants et égaux en voix. C’est précisément cette parité fermière (dans les sexes, dans les genres, dans les espèces) qui fait égalité, donc équité, et finalement corps animal devenu corpus global. Alors, Corps de ferme devient littérature, et en met plein la vue.

CLAIRVILLE Corps de ferme Couverture

Corps de ferme, d’Agnès de Clairville. Harper Collins, 304 pages, 19,90 euros.

“Stella et l’Amérique”, de Joseph Incardona

Le Suisse Joseph Incardona est régulier comme une horloge (un roman tous les dix-huit mois en moyenne). Il a toujours oscillé entre littératures de genre (thriller, polar, série B), et continue ici. Nous sommes à la fin du XXsiècle, dans l’État de Géorgie. Stella Thibodeaux vit là entourée de forains et de freaks. Dans le campement de la troupe, sa propre caravane est l’attraction majeure. Des hommes qui y entrent. En général handicapés ou gravement malades. Ils en sortent debout, plus vaillants que jamais. Stella fait des miracles, c’est avéré. Il faudrait le faire certifier par l’Église afin de la canoniser. Mais voilà : Stella est une jeune prostituée. Pour le Vatican, c’est bien gênant. Mais c’est tentant (il y a si peu de saintes américaines…). Alors, on se dit qu’il faudrait qu’elle meure en martyre, ça la laverait de ses péchés. Le Saint-Siège délègue à des cardinaux, qui délèguent encore, et on finit par missionner de vrais tueurs à gages : les frères Bronski, 45 ans, 1239 meurtres au compteur. Mais dans cette bourgade de Géorgie, un homme a décidé de protéger Stella : James Brown (oui, comme le chanteur, mais ne le gonflez pas avec ça), ancien GI devenu… prêtre et qui a gardé ses réflexes. Puis un autre type décide lui aussi de sauver Stella : le journaliste Molina, qui veut à tout prix le Pulitzer en racontant la cavale.

Tout le monde court après tout le monde ici, et tous les hommes veulent le corps de la jeune femme. La cavale est un mille-feuille d’intrigues, un festival de punchlines, et une réflexion sur l’imagerie féminine dans la bigoterie.

thumbnail Couv Stella INCARDONA

Stella et l’Amérique, de Joseph Incardona. Finitude, 224 pages, 21 euros.

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