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C'est quoi la gamé­to­ge­nèse in vitro, ce pro­cé­dé qui pour­rait révo­lu­tion­ner le monde de la reproduction ?

Selon de récentes recherches scien­ti­fiques, il sera un jour pos­sible pour les femmes de tous âges et les couples infer­tiles et/​ou queers d’avoir un enfant biologique.

Comme c’est sou­vent le cas, tout com­mence avec des sou­ris de labo­ra­toire. Deux petites queues de sou­ris dont les bio­lo­gistes japo­nais spé­cia­li­sés dans la repro­duc­tion, Katsuhiko Hayashi et Mitinori Saitou, ont pré­le­vé des cel­lules de peau, relate le jour­nal amé­ri­cain The New Yorker. Ces cher­cheurs en ont fait des cel­lules souches qu’ils ont ensuite trans­for­mées en ovules pour les fécon­der et les insé­rer dans l’utérus de sou­ris femelles. L’expérience a don­né nais­sance à dix sou­ri­ceaux, “tout à fait nor­maux”, selon la revue Nature qui a publié le rap­port de cette expé­rience de 2016.

Qu’est-ce qu’on en a à faire, de dix sou­ri­ceaux nés en 2016 ? Katsuhiko Hayashi et Mitinori Saitou ont été les pre­miers à démon­trer qu’il était pos­sible de pro­duire chez les mam­mi­fères des gamètes – cel­lules comme le sperme ou l’ovule, essen­tielles à la repro­duc­tion – en dehors du corps et à par­tir de cel­lules non repro­duc­tives. Un pro­ces­sus connu sous le nom de gamé­to­ge­nèse in vitro (GIV) et une révo­lu­tion pour le futur de la repro­duc­tion humaine. Parce que comme les crèmes hydra­tantes et les médocs, si ça marche pour les sou­ris, ça marche aus­si pour nous. 

"La ques­tion n’est pas de savoir si [cette tech­no­lo­gie] sera dis­po­nible pour la pra­tique cli­nique, mais seule­ment quand”

Dr Hugh Taylor, spé­cia­liste de la san­té géné­sique à la facul­té de méde­cine de Yale

Depuis ce pre­mier suc­cès, le monde scien­ti­fique s’efforce de déve­lop­per une tech­no­lo­gie suf­fi­sam­ment sophis­ti­quée pour pro­duire des ovules humains à par­tir de souches ADN non repro­duc­tives. Si les ovules et sper­ma­to­zoïdes obte­nus jusqu’ici ne sont pas encore assez déve­lop­pés pour don­ner des embryons ou des bébés, le Docteur Hugh Taylor, spé­cia­liste de la san­té géné­sique à la facul­té de méde­cine de Yale, confiait au média amé­ri­cain NPR en mai der­nier que les récentes avan­cées le “confortent dans l’idée que la ques­tion n’est pas de savoir si [cette tech­no­lo­gie] sera dis­po­nible pour la pra­tique cli­nique, mais seule­ment quand”. La fécon­da­tion in vitro (FIV) – dont le pre­mier essai concluant a été réa­li­sé en 1978 – parais­sait elle aus­si inat­tei­gnable fut un temps. Aujourd’hui, ce pro­ces­sus repré­sente 2,9 % des nais­sances en France. 

La gamé­to­ge­nèse in vitro (GIV) offri­rait par exemple l’opportunité à des couples gays, les­biens et/​ou trans d’avoir un enfant géné­ti­que­ment appa­ren­té aux deux par­te­naires. Une révo­lu­tion pour les per­sonnes queers qui ont jusqu’ici dû faire le deuil d’un·e enfant chez qui l’on pour­rait dis­tin­guer les yeux de l’un·e et la bouche de l’autre. Ce pro­ces­sus per­met­trait éga­le­ment aux couples hété­ros qui n’arrivent pas à avoir un enfant d’avoir un bébé avec leur propre ADN et sans pas­ser par un·e donneur·euse. Il serait aus­si pos­sible pour les femmes de tout âge d’avoir un enfant sans com­pli­ca­tions, un pied de nez au tic-​tac de l’horloge bio­lo­gique et à la baisse de fer­ti­li­té à par­tir de la quarantaine.

Des bébés pour tous et toutes donc, mais une tech­no­lo­gie qui inter­roge éga­le­ment les limites morales de la science. Notamment celle de la paren­ta­li­té à tout âge, qui pour­rait engen­drer des orphelin·es pré­coces. Certain·es chercheur·euses craignent éga­le­ment que ce pro­ces­sus entache la per­cep­tion socié­tale des parents queers qui élèvent des enfants adop­tés ou nés d'un don de sperme ou d'ovule.

La GIV laisse aus­si entre­voir des scé­na­rios absurdes, voire déran­geants. Il serait notam­ment ima­gi­nable de don­ner nais­sance à des enfants issus des gènes d’une seule per­sonne, de se repro­duire avec soi-​même en somme. L’ADN néces­saire à la pro­cé­dure pou­vant être obte­nu à par­tir de n’importe quelle cel­lule du corps humain, il est aus­si envi­sa­geable de pro­duire des bébés nés de mères bio­lo­giques mineures comme très âgées, de per­sonnes non consen­tantes, ou encore de mettre au monde l’enfant d’un·e par­te­naire décédé·é. Au sum­mum du délire trône la pos­si­bi­li­té de sub­ti­li­ser la brosse à che­veux de Taylor Swift pour faire de l’une de ses mèches une armée de mini Taylor mélangé·es à vos gènes. 

Sans une légis­la­tion adap­tée, la gamé­to­ge­nèse in vitro fait aus­si pla­ner le risque de voir pro­li­fé­rer des cli­niques pro­po­sant ce trai­te­ment dans des pays aux régu­la­tions plus floues. Quand la GIV devien­dra une réa­li­té, il sera ques­tion d’en déga­ger rapi­de­ment les contours éthiques et juri­diques. Pour l’heure, elle ouvre cepen­dant le champ des pos­sibles pour de nom­breuses per­sonnes qui sou­haitent accé­der à la paren­ta­li­té biologique. 

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