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Adèle Haenel en 2015 © Wikimedia commons

« Je vous annule de mon monde. Je pars, je me mets en grève » : Adèle Haenel explique pour­quoi elle arrête le cinéma

Dans une lettre adressée à Télérama qui lui avait demandé un entretien sur son absence des écrans, Adèle Haenel explique préférer s'engager dans la lutte sociale plutôt que de continuer à être actrice au sein d'une industrie cinématographique qu'elle juge au service du système capitaliste et du patriarcat. Radical.

À défaut d'accepter une interview, Adèle Haenel a fait parvenir une lettre à Télérama, que l'hebdomadaire publie ce mardi 9 mai. Contactée dans le cadre d'une enquête sur sa trajectoire et son absence des écrans depuis plusieurs années, l'actrice a choisi de s'exprimer librement dans ce texte au vitriol qui accuse le milieu du cinéma de compromissions avec les agresseurs sexuels, tout comme avec le système capitaliste.

« J’ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma pour dénoncer la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels et, plus généralement, la manière dont ce milieu collabore avec l’ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu’il est », amorce la lettre d'Adèle Haenel. La comédienne de 34 ans, qui a été vue ces derniers mois dans des réunions contre la réforme des retraites organisées par des syndicats ou des mouvements politiques d'extrême gauche dont Révolution permanente ou le Réseau pour la grève générale, tire à boulets rouges contre une profession qu'elle juge dépolitisée : « Alors que la biodiversité s’effondre, que la militarisation de l’Europe s’emballe, que la faim et la misère ne cessent de se répandre, quelle est cette obsession du monde du cinéma — collégialement réuni aux César, en promotion pour ses films — de vouloir rester “léger” ? De ne surtout parler de “rien”. »

Contre "l'ordre bourgeois"

C'est donc des convictions plurielles (féministes, anti-capitalistes, écologistes...) qu'affirme l'une des pépites du cinéma français actuel, récompensée d'un César de la meilleure actrice en 2015 pour son rôle dans Les Combattants. Plus encore que de passivité, Adèle Haenel accuse la profession de servir la cause des puissant·es via le divertissement : « Remplir de vent l’espace médiatique a un but, celui de rendre l’ordre bourgeois aussi naturel que le bleu du ciel et de rendre inaudibles, marginales, les voix de celleux qui organisent la résistance pour que tous les humains puissent vivre dignement et qui essayent d’arracher un avenir à cette planète. »

Une radicalité qui n'effraie pas celle qui se consacre désormais au théâtre aux côtés de la chorégraphe et metteuse en scène franco-autrichienne Gisèle Vienne, comme elle l'annonce dans sa missive. L'enquête de Télérama sur la brouille entre Adèle Haenel et le cinéma raconte comment l'actrice a été ostracisée par un certain courant du milieu à la suite de son coup d'éclat à la cérémonie des César de 2020, où elle a quitté la salle Pleyel (Paris) en criant « la honte ! » pour dénoncer les récompenses attribuées à Roman Polanski, toujours poursuivi pour viol aux Etats-Unis. Par exemple, un directeur de casting souhaite à l’actrice, sur les réseaux sociaux, « une carrière morte bien méritée », rapporte Télérama. Interrogée par le journal, son agente Elizabeth Simpson assure aussi qu'après le témoignage dans Mediapart, d'Adèle Haenel sur les violences sexuelles qui lui aurait fait subir le réalisateur Christophe Ruggia alors qu'elle était mineure, « on ne lui a plus proposé que des rôles de femmes abusées, des histoires d’inceste ou des films où elle servait de caution féministe ».

"Recherche du sens et de la dignité"

Cette « caution féministe », Adèle Haenel préfère désormais visiblement la servir à des militant·es de la justice sociale : « Je vous annule de mon monde, lance-t-elle dans sa lettre aux « larbins du capital ». Je pars, je me mets en grève, je rejoins mes camarades pour qui la recherche du sens et de la dignité prime sur celle de l’argent et du pouvoir. »

Intransigeante et en alignement avec ses convictions, l'actrice affirme néanmoins vouloir observer ce qui se passera au festival de Cannes, qui débute le 16 mai prochain : « Dans un contexte de mouvement social historique, on attend de voir si les pontes du cinéma comptent — comme les sponsors de l’industrie du luxe — sur la police pour que tout se passe comme d’habitude sur les tapis rouges du Festival de Cannes. »

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