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© Capture écran X / @maurel_olivia

Qui est Olivia Maurel, influen­ceuse anti-​GPA, “fémi­niste et athée” ?

Militante "pour l'abolition de la GPA" et pas "contre la GPA", féministe, athée, influenceuse rompue aux codes des réseaux sociaux... Olivia Maurel dénote dans le milieu des anti-GPA, qu'elle dépoussière, armée de son histoire singulière. Et ne craint pas de frayer avec l'extrême droite pour mener son combat.

Attention aux mots qu'on emploie. Olivia Maurel tient à ce qu'on ne la présente pas comme une "militante anti-GPA". Elle préfère "militante pour l'abolition universelle de la GPA", éclaire-t-elle, "comme pour l'abolition universelle de l'esclavage". Derrière la nuance de cette excellente communicante se cache la sincérité de celle qui ne veut pas être perçue comme s'érigeant "contre le progrès" – le véritable progrès en matière de gestation pour autrui (GPA), soutient-elle, n'est pas la prouesse scientifique au service du désir d'enfants mais son interdiction pure et simple, pour des raisons éthiques. La rhétorique est efficace, la légitimité à se positionner, totale : le principal argument de l'influenceuse est elle-même. Née d'une procréation pour autrui (une GPA dans laquelle les ovocytes utilisés sont ceux de la mère porteuse) en 1991 aux États-Unis, cette trentenaire franco-suisse-américaine, installée sur la Côte d'Azur avec mari et enfants, voudrait qu'aucun autre enfant "ne subisse ce qu'elle a vécu".

“Lip gloss tactic”

C'est ce que cette influenceuse toujours ultra apprêtée aux plus de 50 000 abonné·es sur TikTok s'acharne à dénoncer depuis mars 2023, date à laquelle elle a fait irruption sur le réseau social. Dès le départ, Olivia Maurel mélange ses vidéos de make-up, de jeûne intermittent et de fringues au récit du traumatisme qui lui colle à la peau depuis sa naissance, ayant "toujours senti une inadéquation avec sa famille et su [qu'elle était] née par GPA, sans en avoir la preuve" jusqu'à un test ADN récent. Dans le storytelling de celle qui use à l'envi de la lip gloss tactic (du nom de cette tendance, pour les femmes, à évoquer un sujet de société en vidéo tout en se maquillant, afin de mieux capter l'attention de l'auditoire), on trouve dès l'origine la notion d'"abandon" par sa génitrice. "Ça m'a causé beaucoup de troubles, livre-t-elle, tout en s'appliquant du fond de teint sur le visage, lors de sa première vidéo consacrée au sujet. Je suis sous anxiolytiques, je suis quelqu'un de très anxieuse, je prends des antidépresseurs, je fais malheureusement quelques TCA [troubles du comportement alimentaire, ndlr] donc je vais utiliser ce TikTok pour libérer ma parole et l'utiliser comme un journal intime, je pense." Derrière le choix d'exposer publiquement ses souffrances, se cache initialement, confie-t-elle à Causette, la rupture avec ses parents au moment de la révélation, par le test ADN, des circonstances secrètes de sa naissance, et la nécessité de "crever l’abcès".

Très vite, ce "journal intime" prend des allures de croisade contre le "système qui permet la GPA", son "marché très lucratif réservé aux riches", ses "locations d'utérus", son "esclavagisme moderne", ou encore son "principe de droit à l'enfant". À en croire les commentaires sous ses posts TikTok, Twitter ou Instagram, la fascination qu'exerce son discours auprès de ses abonné·es ou des personnes qui tombent sur ses vidéos (et, parfois, qui la conspuent) tient en grande partie au paradoxe d'être à la fois née de GPA et à la fois de s'y opposer. Son succès est aussi dû à sa manière d'exceller dans l'usage des réseaux sociaux et de donner à voir sa vie privée, en faisant régulièrement apparaître son mari et ses trois enfants et en glissant de temps à autres des morceaux de sa vie de mère au foyer. Mais si Olivia Maurel est particulièrement audible – jusqu'à avoir rencontré, en mai dernier, la ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé –, c'est aussi qu'elle dénote dans le paysage des militant·es anti-GPA, habituellement plutôt enclin·es à se référer à la religion ou s'inscrivant dans une vision radicalement anticapitaliste : la jeune femme se présente comme féministe et athée.

"J'ai toujours été féministe, et les droits des femmes ont toujours été ancrés au plus profond de mon cœur, dépeint, auprès de Causette, Olivia Maurel. Ce combat n'a pas déclenché mon féminisme, il l'éclaire." De fait, elle n'est opposée ni à la procréation médicalement assistée (PMA), ni à l'avortement et estime agir au nom de la sororité envers les mères porteuses, "victimes compréhensibles d'un système qui leur promet de l'argent". La sienne, Olivia Maurel a pu la retrouver grâce au test ADN réalisé, sur les conseils de sa belle-mère, par l'intermédiaire de l'entreprise américaine MyHeritage, poids lourd du secteur interdit en France. Dans le même temps que MyHeritage lui confirme qu'elle n'a pas les ascendances de sa mère suisse, le site lui trouve des demi-frères et sœurs aux États-Unis, les enfants de sa mère porteuse, avec qui la jeune femme prend contact. "Je suis retournée aux États-Unis pour rencontrer l'un de mes frères, et ça a été une évidence, un moment de plénitude, raconte-t-elle, encore émue. Ma fratrie m'a expliqué qu'au moment où ma gestatrice avait décidé de réaliser une GPA, elle v[enait] de perdre un enfant dans un horrible accident domestique, et qu'il y a[vait] donc une dimension de réparation. Mais aussi une question financière évidente : elle a quatre enfants, les différents pères sont partis et elle a du mal à boucler ses fins de mois. En plus de l'argent qu'elle gagne en me portant, mes parents offrent à toute la famille un séjour à Disneyland [en Floride]. C'est un souvenir très fort pour eux car c'est leur premier et seul voyage avec leur mère." Les discussions avec cette dernière, par téléphone, bouleversent Olivia Maurel. "Ma mère porteuse m'a expliqué que son premier souvenir après l'accouchement, c'est moi qui tourne la tête et qui regarde directement vers elle, souffle-t-elle. Ma mère commanditaire, qui était présente, lui propose, peut-être dans un élan de solidarité féminine, de me tenir dans ses bras mais elle refuse, craignant de ne plus pouvoir me lâcher."

Béance impossible à combler

Pour ces raisons, Olivia Maurel est persuadée qu'un enfant né par GPA a une connexion physique intrinsèque avec la personne qui l'a porté pendant neuf mois et que sur la séparation originelle s'ouvre une béance impossible à combler. "Mais en matière de GPA, on n'écoute pas les enfants", dit celle qui affirme aussi être en contact avec d'autres personnes nées par GPA et qui souhaitent militer contre, mais n'y parviennent pas, aux prises avec "un conflit de loyauté évident avec les parents d'intention". Quand on lui suggère qu'il peut y avoir des histoires de GPA heureuses, notamment si le procédé n'a pas été entouré de secret pour l'enfant, la jeune femme rétorque qu'en effet, "cela est possible, les belles histoires existent, mais il n'est pas collectivement responsable d'autoriser la GPA en sachant qu'elle peut être nocive pour l'enfant à naître". Régulièrement renvoyée à sa condition de "petite fille riche désirée et choyée", Olivia Maurel prépare d'ailleurs un livre autobiographique visant à "débunker cette idée que, parce qu'on a été créé moyennant 200 000 dollars, on a la meilleure vie possible".

La chouchou des réacs

En attendant, l'influenceuse se trouve une ample caisse de résonance dans les médias de droite (Le Figaro), conservateurs (Famille chrétienne) et d'autres beaucoup moins respectables, oscillant entre la fine fleur de l'extrême droite et le complotisme le plus débridé : Le Journal du Dimanche, Aleteia, Omnes, France Soir et d'autres se régalent de la singularité de cette bonne cliente, venue avec sa modernité et son point de vue si personnel (et donc empreint de légitimité) prêter main-forte à leur agenda réactionnaire. "Moi, je sais que je ne suis pas d'extrême droite, répond-elle quand on soulève le sujet. Sur les réseaux sociaux, je fais exprès de brouiller les pistes parce que je ne veux pas qu'on me colle une étiquette qui n'est pas la mienne." "Parler à absolument tout le monde", c'est le credo controversé que s'est choisi Olivia Maurel. Après avoir percé sur TikTok, elle a accepté l'invitation du Parlement tchèque, actuellement dominé par la coalition gouvernementale de centre-droit, à livrer son témoignage dans l'hémicycle en novembre 2023, et a même rencontré le pape François en avril, embrassant le compagnonnage de l'Église avec un pragmatisme très œcuménique.

Surtout, elle est devenue porte-parole de la Déclaration de Casablanca, mouvement international prônant l'abolition universelle de la GPA et repaire de réactionnaires fondé au Maroc en mars dernier. "Parler à tout le monde, c'est une de mes missions confiées par la Déclaration de Casablanca", souligne Olivia Maurel. Côté français, on retrouve, à l'initiative de ce lobby anti-GPA, Aude Mirkovic, maître de conférences en droit et porte-parole de l'association Juristes pour l'enfance, qui a milité contre l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et qui mène une croisade contre l'autodétermination de genre des enfants. À ce sujet, épinglée par des collectifs LGBT pour des propos jugés transphobes, Olivia Maurel reste droite dans ses bottes auprès de Causette : "Je m'oppose à ce que des enfants prennent des hormones pour bloquer leur puberté mais je n'ai rien contre le fait que, si c'est un besoin qu'ils expriment, ils choisissent de se genrer comme ils le souhaitent. J'accompagnerais les miens dans cette voie-là, si tel était le cas, mais je veux les protéger d'une médicalisation durant leur minorité." De la même manière, frayer avec des conservateur·rices de tout poil ne l'empêche pas d'avoir sa propre opinion, sur le fil, concernant le devenir des enfants nés par GPA à l'étranger : "Je ne souhaite pas qu'on leur donne des papiers français dès qu'ils arrivent [comme c'est le cas actuellement, grâce à la circulaire Taubira de 2016] pour ne pas laisser penser que la France ouvre la voie à une légalisation. Avoir des papiers américains n'empêche en rien, en tant que mineur, de mener sa vie en France. À 18 ans, on pourrait procéder à une naturalisation."

Olivia Maurel déroute. Inclassable, nuancée, subversive, la jeune femme a même une réponse aux questionnements autour de la dissonance cognitive intrinsèque à être née par GPA et à s'ériger contre, avec autant de virulence. "La véritable dissonance cognitive, soutient-elle, ce serait d'en avoir tant souffert et de ne rien faire pour changer les choses."

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