baignade interdite
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Bactéries dans l’eau : plus de cent plages bre­tonnes sont décon­seillées ou à éviter

L’association Eau & Rivières de Bretagne vient de publier une enquête, réa­li­sée sur plu­sieurs années, qui classe les plages fran­çaises en fonc­tion du taux de pré­sence de bac­té­ries dans l’eau. Un docu­ment qui inter­pel­le­ra cer­tai­ne­ment les pou­voirs publics de la région Bretagne,qui comme trois autres régions, com­prend un nombre impor­tant de plages décon­seillées ou à évi­ter.

L’enquête publiée le 25 mai par l’association lan­ceuse d’alertes Eau & Rivières de Bretagne va “faire du Reuz”, comme disent les Breton·ne – com­pre­nez : faire des vagues. Celle-​ci classe les plages fran­çaises en fonc­tion de leur taux de pol­lu­tion. Au niveau natio­nal, 80 % d’entre elles sont sans risque, mais une plage sur cinq est régu­liè­re­ment conta­mi­née par des bac­té­ries, notam­ment dans le Nord, en Normandie et sur la côte d'Azur. Mais c'est sa région mère, la Bretagne, que l'association épingle par­ti­cu­liè­re­ment : par­mi les 566 plages bre­tonnes clas­sées en 2023, 80 % sont de bonne ou de très bonne qua­li­té, mais l’enquête révèle que 88 plages sont décon­seillées et vingt et une sont à évi­ter, soit près de 20 % des sites de bai­gnade. Ainsi, concer­nant les treize plages tou­ris­tiques de Saint-​Malo, neuf d’entre elles sont dans le viseur d’Eau & Rivières de Bretagne…

Les vingt et une plages bre­tonnes à évi­ter sont notam­ment conta­mi­nées par des bac­té­ries fécales, l’Escherichia coli (EC) et les Entérocoques intes­ti­naux (EI), res­pon­sables de gastro-​entérites, otites, rhi­no­pha­ryn­gites …. “Toutes les mala­dies en ‑ite”, résume à Causette Maëlle Turriès, char­gée de mis­sion mer et lit­to­ral chez Eau & Rivières de Bretagne. Elle ajoute : “Les per­sonnes risquent aus­si par­fois d’avoir des érup­tions cuta­nées.” Certain·es baigneur·euses sont plus exposé·es et moins résistant·es aux risques comme les enfants, les per­sonnes âgées et celles souf­frant d’immunodépression et d’immunodéficience. 

Du surf à l'investigation

Selon Eau & Rivières de Bretagne, ce pro­jet est né grâce à Laurent, sur­feur à l’année et béné­vole dans l’association, qui a plu­sieurs fois souf­fert d’otite ou de gastro-​entérite après s’être bai­gné. Il a donc débu­té une enquête en nord Finistère, auprès d’autres béné­voles, pour ensuite élar­gir les recherches à toute la Bretagne avant de décou­vrir que l’Agence régio­nale de san­té (ARS) de Bretagne, qui met en place la poli­tique de san­té dans la région, avait réa­li­sé un “‘tri­pa­touillage’ de l’utilisation des résul­tats d’analyses des eaux de bai­gnade”, selon le site de l’association. Selon elle, 10 % des plages exa­mi­nées sont concernées. 

Maëlle Turriès pré­cise à Causette : “Avec Eau & Rivières, on suit avec grande atten­tion les com­mis­sions locales de l’eau, on est pré­sents dans toutes ces com­mis­sions en Bretagne – il y en a vingt et un. On a consta­té que l’eau des rivières se dégrade et se trouve dans un mau­vais état bac­té­rio­lo­gique, sans par­ler des pes­ti­cides. Mais, de façon très éton­nante, on a éga­le­ment remar­qué que les clas­se­ments des sites de bai­gnade en mer sont à 98 % ‘bons’ ou ‘excel­lents’, selon l’ARS. Les rivières conduisent des eaux dégra­dées dans la mer, donc les béné­voles étaient quand même interloqués.”

Et de pour­suivre : “Ce qui a le plus mar­qué les béné­voles, c’est que cer­taines plages sont bien clas­sées par l’ARS alors qu’elles sont fer­mées la moi­tié de l’année par les maires. Ils ont la pos­si­bi­li­té de blo­quer l’accès aux plages par pré­cau­tion pour évi­ter que les habi­tants ne tombent malades, notam­ment à la suite de fortes pluies.” Outre les mala­dies récur­rentes de Laurent, sub­sis­tait donc aus­si un flou dans les notes attri­buées aux plages. 

Des ana­lyses jugées plus précises 

L’équipe d’Eau & Rivières de Bretagne a fina­le­ment réa­li­sé que “tous les échan­tillons pris pen­dant la période de fer­me­ture des plages ne font pas par­tie de ceux qui sont uti­li­sés pour réa­li­ser l’opération de clas­se­ment des plages par l’ARS.” “On s’est dit que c’était trop gros et que ça ne tenait pas la route”, sou­ligne Maëlle Turriès auprès de Causette. À la suite de cette décou­verte, en 2020, Eau & Rivières de Bretagne demande à l’ARS de lui com­mu­ni­quer ses don­nées brutes, donc tous les échan­tillons, uti­li­sés de 2016 à 2020, pour cha­cune des plages sur les quatre der­nières années. “L’ARS a refu­sé alors que c’est une don­née à carac­tère envi­ron­ne­men­tal que chaque citoyen doit pou­voir consul­ter”, affirme la char­gée de mis­sion. L’association réus­sit fina­le­ment à accé­der aux docu­ments et découvre le pot aux roses : cer­taines don­nées ont été “enle­vées”, selon Maëlle Turriès, qui évoque auprès de Causette le retrait, dans les cal­culs, des “pics de pol­lu­tion”. Ils ont en revanche été réin­té­grés dans le clas­se­ment pro­po­sé par Eau & Rivières de Bretagne.

En 2023, l’association sai­sit le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Bretagne afin que le clas­se­ment de l’ARS Bretagne soit jugé “illé­gal”. L’agence a été condam­née et, comme l’affirme Maëlle Turriès, n’a pas fait appel. Cette der­nière a donc dû revoir son clas­se­ment en incluant “les pol­lu­tions dites ‘à court terme’ liées aux épi­sodes plu­vieux”. “On sait qu’il y a eu des tri­che­ries de la part de l’ARS en Bretagne, mais on ne sait pas pour les autres régions”, conclut Maëlle Turriès sur ce point. 

Sur son site, Eau & Rivières affirme se baser pour son enquête “sur les mêmes don­nées que l’ARS”, mais avec “une méthode de clas­se­ment dif­fé­rente”. Eau & Rivières compte le nombre d’échantillons bons sur le total des échan­tillons pré­le­vés sur quatre ans (la même période que celle prise en compte par l’ARS). Si une plage compte qua­rante échan­tillons et qu’ils sont tous bons, la note de la plage est de 100 (100 % des échan­tillons sont bons, aucune pol­lu­tion bac­té­rio­lo­gique n’a donc été obser­vée sur les quatre der­nières années). Mais dès qu’une plage compte moins de 85 % de bons échan­tillons, l’association consi­dère qu’il y a déjà un risque pour les baigneurs·euses. La plage est clas­sée “décon­seillée”. Celles qui sont à évi­ter ont moins de 70 % de bons échan­tillons : les baigneur·euses ont une chance sur trois d’évoluer dans une eau pol­luée par les bactéries.

Vers une prise en charge globale ?

Chaque maire doit éta­blir un “pro­fil de bai­gnade” pour les plages de sa com­mune, mais ceux-​ci seraient bien sou­vent, selon Maëlle Turriès, “une répé­ti­tion du clas­se­ment de l’ARS”, sans ana­lyse plus pous­sée. “On demande donc aux maires et aux com­mu­nau­tés de com­mune de réa­li­ser un pro­fil de bai­gnade, qui doit être ren­du dis­po­nible aux usa­gers : on doit trou­ver le clas­se­ment de la bai­gnade et la recherche des sources de conta­mi­na­tion qui doivent être hié­rar­chi­sées. On doit aus­si pré­voir des actions pour cor­ri­ger ces pro­blèmes”, martèle-​t-​elle, après avoir sou­li­gné que c’est d’autant plus néces­saire que les plages repré­sentent un atout tou­ris­tique important.

L’association a éga­le­ment publié une péti­tion inti­tu­lée “Stop aux plages pol­luées” pour exi­ger des député·es et des sénateur·rices l’ouverture d’une étude épi­dé­mio­lo­gique sur le risque sani­taire de ces bai­gnades – afin, par exemple, de connaître le nombre de per­sonnes malades suite à leurs pas­sages à l’eau – ain­si que le lan­ce­ment d’une enquête par­le­men­taire. Selon Eau et Rivières de Bretagne, l’analyse de la qua­li­té des plages doit se faire à l’année et pas seule­ment durant la sai­son d’été. 

Lire aus­si l Claire Nouvian, sur la jus­tice envi­ron­ne­men­tale : "Quand on en est ren­du à faire por­ter nos espoirs sur les épaules des magis­trats, c'est un signe de grand déses­poir démocratique"

Ce sur­plus de bac­té­ries pro­vien­drait non seule­ment des sys­tèmes d’assainissement défec­tueux, mais éga­le­ment des eaux de pluie qui tombent sur les terres de culture et d'élevage et les excré­ments qui s’y trouvent après épan­dage.L’eau ruis­selle, avec les bac­té­ries pré­sentes sur les ter­rains agri­coles, dans celle des rivières qui va tran­si­ter jusqu’à la mer.

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