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© Capture écran youtube / C Pol

Les vil­lages fran­çais qui accueillent des migrant·es loin de “l’apocalypse” pré­dite par l’extrême droite

Une intégration réussie au prix d’un investissement humain important : des villages français pionniers dans l’accueil des migrant⸱es se félicitent d’avoir tordu le cou aux préjugés véhiculés par les discours “hors-sol”, selon eux, qui agitent la campagne des élections européennes.

Alors que, selon les sondages, le Rassemblement National (RN) arrivera grand gagnant des élections européennes, certains villages français s’inscrivent à rebours des discours anti-immigration en devenant des lieux d’accueil pour les migrant⸱es, afin de faciliter l’intégration de ces dernnier·ères. “D’un déchaînement de violence à un élan de solidarité qu’il n’imaginait pas”, le maire de Pessat-Villeneuve (Puy-de-Dôme), Gérard Dubois, a tout connu à l’arrivée, en novembre 2015, des cinquante premiers migrant⸱es dans sa commune de cinq cents habitant⸱es. ‘Ma maison va perdre de sa valeur’, ‘Ils vont violer nos enfants’, ‘On ne sera plus en sécurité’ : c’était l’horreur absolue, ce que j’ai entendu lors de cette première réunion publique”, se souvient l’élu sans étiquette, placé sous protection policière à l’époque. “Jusqu’à ce qu’une voix s’élève dans la salle et demande : ‘Comment vont-ils ?’ L’ambiance a alors changé radicalement et une armée d’habitants s’est mise à proposer bénévolement son aide”, poursuit Gérard Dubois.

L’ancienne colonie de vacances de Pessat-Villeneuve accueille pendant les cinq mois d’hiver de jeunes hommes sans-papiers en provenance de la jungle de Calais. Elle obtiendra en 2019 un agrément de quinze ans pour se transformer en centre d’hébergement provisoire pour réfugié⸱es, et voit l’arrivée des premières familles. En neuf ans, le village a accueilli 750 personnes, une classe supplémentaire a été ouverte et 84 % des réfugié⸱es accompagné·es ont décroché un emploi sur le territoire.

“La plupart des appréhensions disparaissent dès que les rencontres humaines ont lieu”, observe Léa Enon-Baron, codirectrice de l’Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita) qui regroupe 87 membres (villes, intercommunalités, départements, régions), dont 25 situés en zone rurale. “Les discours nationaux paraissent hors-sol par rapport aux expériences vécues sur le terrain”, insiste la représentante de l’association. L’extrême droite s’est opposée avec virulence aux projets de centres d’accueil de réfugié·es. Sous les pressions, Callac (Côtes-d’Armor) a abandonné le projet tandis qu’à Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique), le maire a fini par démissionner après l’incendie de sa maison.

"Les lumières de la ville"

Le “danger” de l’immigration agite les débats des élections européennes de juin pour lesquelles le RN est donné favori, pourtant, les critiques des membres de l’Anvita portent davantage sur “les lourdeurs administratives et complexes” de la procédure d’accompagnement. Pour Le Vigan, bourg des Cévennes dont la tradition d’accueil de migrant·es remonte au XVIe siècle, héberger des demandeur⸱euses d’asile “était naturel”, explique la maire, Sylvie Arnal (Divers gauche). Dans cette commune du Gard de quatre mille habitant⸱es, la liste d’extrême droite est arrivée en tête lors des élections européennes de 2019. “Pour les artisans et chefs d’entreprise, cette main-d’œuvre est bienvenue. Ils sont très bien intégrés”, rapporte l’édile. Plus de 70 % des migrant⸱es qui ont suivi une formation décrochent leur certificat d’aptitude professionnelle (CAP).

La volonté des migrant⸱es de rejoindre une grande ville, une fois les papiers obtenus, reste cependant très forte, s’accordent à dire les représentant⸱es des villages interrogé⸱es. “On a beau leur dire qu’il y aura moins de solidarité et qu’ils seront moins bien suivis, les lumières de la ville les font rêver”, regrette Sylvie Arnal.

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À Bégard, dans les Côtes-d’Armor, l’association qui s’occupe depuis 2015 de l’accueil des migrant⸱es souligne la grande disponibilité nécessaire pour accompagner les nouveaux et nouvelles venu⸱es dans leurs démarches. “On est loin de tout et ils ne sont pas véhiculés, cela demande beaucoup d’énergie” pour les transporter, des cours de français aux rendez-vous en préfecture, explique Hubert Mériaux, coprésident de l’association Bear Solidarité.

“De passage”

Pour la commune de 4 800 habitant⸱es qui n’échappe pas à la pression foncière, trouver un logement est aussi une gageure. “Nous avons rénové deux logements d’urgence, mais nous ne pouvons pas les mobiliser sur une longue période”, commente l’adjointe aux Affaires sociales, Maryse Casanave. La bourgade dans laquelle vivent quelques dizaines de migrant·es a ainsi confié leur prise en charge aux services sociaux et associations. Elle assure n’avoir jamais eu de problème de violence ou de délinquance avec cette nouvelle population : “Beaucoup d’habitants ignorent même que des migrants sont sur la commune”, note l’adjointe.

L’accueil individualisé a laissé place à une forme plus “impersonnelle provoquée par un turn-over important” des migrant⸱es dans la commune, déplore de son côté le maire de Ferrette (huit cents habitant⸱es, dans le Haut-Rhin), François Cohendet. En 2015, les premières familles afghanes et syriennes étaient logées entre un et deux ans. Avec le durcissement des lois et leur interdiction de travailler, les migrantes d’aujourd’hui, des femmes africaines avec enfants principalement, “savent qu’elles ne sont que de passage et qu’elles ont peu de chances d’avoir des papiers, ce qui ne les incite pas à s’intégrer”, regrette le maire. Les enfants du village sont mélangé·es avec celles et ceux venu·es d’ailleurs “ce qui leur apporte une grande ouverture d’esprit”, se réjouit-il toutefois.

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“On m’avait prédit l’apocalypse, j’ai eu beaucoup de réactions hostiles de personnes extérieures à la commune au début et pourtant, rien de tout ça ne s’est produit”, retient François Cohendet. Sa commune est l’une des rares du département à ne pas avoir placé le RN en tête aux dernières élections.

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