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© Roger Starnes / Unsplash

“Il y a cer­tai­ne­ment plus de 100 000 per­sonnes qui vivent au cam­ping”, pour le socio­logue Gaspard Lion

Dans Vivre au cam­ping, un mal-​logement des classes popu­laires, fruit d’une enquête de ter­rain qui a duré dix ans, le socio­logue Gaspard Lion ana­lyse de l’intérieur le phé­no­mène du “cam­ping rési­den­tiel” qui s’étend en France, dans un contexte de crise éco­no­mique et sociale. 

Causette : Vous avez choi­si les “habi­tats non ordi­naires” chez les classes popu­laires comme sujet de recherche. Que regroupe cette appel­la­tion ? 
Gaspard Lion : J’appelle “loge­ments non ordi­naires” des habi­tats peu pro­té­gés juri­di­que­ment. Leurs formes archi­tec­tu­rales ori­gi­nales les dis­tinguent éga­le­ment sou­vent des loge­ments tra­di­tion­nels : cara­vanes, yourtes, cabanes, mobil-​homes, héber­ge­ment chez des tiers, squats… Je me suis spé­cia­li­sé sur cette ques­tion, car le nombre de per­sonnes concer­nées par la crise du loge­ment en France est en forte hausse, en par­ti­cu­lier dans les classes popu­laires, mais aus­si dans cer­taines franges des classes moyennes. L’ampleur de cette crise se mesure éga­le­ment par la diver­si­té de ses mani­fes­ta­tions : elle a des consé­quences sur la san­té des indi­vi­dus, le tra­vail, les études ou, encore, la pos­si­bi­li­té de se pro­je­ter et de déployer des pro­jets de vie. Enfin, les effets de cette situa­tion dra­ma­tique sont de plus en plus vio­lents. Quatre mil­lions de per­sonnes se trouvent en grande dif­fi­cul­té de loge­ment : leurs habi­ta­tions sont sur­peu­plées, insa­lubres, dan­ge­reuses ou ne béné­fi­cient pas du confort de base comme l’eau cou­rante, des toi­lettes, une douche… Plus de 1 mil­lion de per­sonnes sont pri­vées de loge­ments per­son­nels en France et le nombre de per­sonnes à la rue est pas­sé d’environ 140 000 en 2012 à plus de 330 000 aujourd’hui. Ce chiffre a été mul­ti­plié par trois depuis le début des années 2000. Par ailleurs, le mode de cal­cul de l’Insee sous-​estime l’ampleur du phénomène.

Le loge­ment est l’expression des dis­pa­ri­tés entre les classes sociales. Dans les milieux modestes, il n’est pas rare aujourd’hui que 40 à 50 % des res­sources soient consa­crées au loge­ment, alors que la moi­tié du parc loca­tif pri­vé appar­tient à seule­ment 3,5 % de la popu­la­tion, qui détient au moins cinq rési­dences per­son­nelles. L’extrême concen­tra­tion de la pro­prié­té explique en par­tie les inéga­li­tés et les dif­fi­cul­tés actuelles pour se loger.

En 2012, j’ai réa­li­sé une enquête sur les per­sonnes qui étaient à la rue, dans les bois, les cabanes et dans les bidon­villes. Je suis allé dans les cam­pings et j’ai été frap­pé par l’ampleur du phé­no­mène qu’est celui du cam­ping rési­den­tiel et qui touche cer­tai­ne­ment plus de 100 000 per­sonnes. Je me suis concen­tré sur ce mode par­ti­cu­lier d’habitation, car il est peu, voire pas, étu­dié en France et à l’étranger. Pourtant, aux États-​Unis par exemple, cette situa­tion est mas­sive : 7 % de la popu­la­tion vit dans des mobil-​homes et des cara­vanes. Le cam­ping accueille dif­fé­rents pro­fils, ce qui per­met en outre d’analyser les consé­quences de la crise du loge­ment sur dif­fé­rentes caté­go­ries de la population. 

Je me suis éga­le­ment inté­res­sé au cam­ping rési­den­tiel, car ces loge­ments sont situés dans les milieux ruraux et péri­ur­bains. On a ten­dance à se repré­sen­ter la crise du loge­ment presque uni­que­ment dans les milieux urbains alors que ces pro­blé­ma­tiques sont très pro­non­cées dans les ter­ri­toires ruraux et péri­ur­bains : le taux d’effort, c’est-à-dire la part du bud­get consa­crée au loge­ment, est, par exemple, plus éle­vé dans ces régions où le nombre d’ouvriers et d’employés est éga­le­ment plus important. 

Quel est le pro­fil des per­sonnes qui vivent au quo­ti­dien dans les[…]

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