Dans son dernier spectacle, la metteuse en scène Pauline Bureau retrace l’histoire vraie de la première équipe de foot féminin en France. Pièce de théâtre inventive, touchante et joyeuse, Féminines est à découvrir du 14 au 17 mai à la Villette. C’est le moment de prendre vos billets !
“Je serai une des folles dingues”, lance Marinette à son père, hilare à l’idée que des femmes puissent participer à un match de football. Voilà à quoi est réduite l’idée même de femmes pratiquant le ballon rond en 1968 en France, là où commence la nouvelle pièce de Pauline Bureau. Dans Féminines, la metteuse en scène retrace l’histoire de ces “folles dingues”, les premières à avoir monté une équipe féminine française de football. Une épopée d’émancipation joyeuse et politique qui, loin de se cantonner à une histoire de crampons, dresse le portrait d’une époque et de ses femmes au besoin viscéral de réalisation.
Émancipation sur fond de gazon
Il y a Rose, ouvrière à l’usine ; Joanna, passionnée de football depuis toujours ; Marie-Laure, mère au foyer ; Françoise, gardienne du stade de Reims ; ou encore Marinette, jeune fille que sa mère tente de faire éclore par tous les moyens – joli clin d’œil à la pionnière Marinette Pichon pour le choix du prénom.
Lire aussi l Marinette Pichon : le foot, sa surface de réparation
Toutes se présentent à un casting pour constituer la première équipe féminine de football de France. Loin d’être une initiative révolutionnaire, cette équipe est en fait imaginée dans le cadre de la kermesse d’un journal qui, chaque année, propose une attraction. Après un combat de catch de Lilliputien·nes l’année précédente, c’est donc au tour d’un match de foot féminin de divertir et amuser le public de l’édition 1968. Mais surprise : les femmes sélectionnées savent non seulement courir après un ballon, mais aussi taper dedans, se passer la balle et même marquer des buts ! Emmenées par des coachs masculins alliés, les joueuses iront jusqu’à remporter la Coupe du monde à Taipei dix ans plus tard, le temps de laisser cette aventure profondément transformer leur existence.
“Je voulais raconter des parcours croisés de femmes qui sont très différentes les
unes des autres (il y a une lycéenne, une femme au foyer, des ouvrières…) et qui vont se rencontrer pour faire, ensemble, quelque chose qu’elles n’auraient jamais imaginé faire : jouer au foot”, explique Pauline Bureau, autrice et metteuse en scène de la pièce. Pour ce faire, elle s’est inspirée librement de la véritable histoire de l’équipe féminine de football de Reims – Les Féminines du Stade de Reims – dont est tiré le titre de la pièce. La jeune femme s’affranchit ensuite du réel pour imaginer les parcours individuels des joueuses, apportant de multiples dimensions d’émancipation féminine sur fond de gazon. À l’époque, et depuis l’instauration du régime de Vichy dans les années 1940, les femmes n’ont pas le droit de pratiquer le football, une de toutes les petites et grandes restrictions qu’elles subissent au quotidien. Féminines aborde ainsi aussi bien le rejet des femmes dans le milieu sportif, le travail sous-payé des ouvrières d’usine, que la violence conjugale, ou encore l’analphabétisme.
Le sport réel
Comme le note encore Pauline Bureau, “la question des sports d’équipe masculins a souvent été analysée comme une façon de reviriliser les pays après les guerres. Mais ça interroge aussi sur les bandes de filles, et leur absence, sur l’angle mort de cet imaginaire-là”. La camaraderie et la sororité (entre les joueuses, mais aussi entre elles et leurs coachs) font de Féminines une pièce drôle mais aussi touchante, empreinte de liens tissés progressivement. Les joueuses évoluent, se soutiennent – dans le sport et en dehors – et vont même jusqu’à dépasser ensemble les carcans de la scène lors des matchs (pas compris). Ces derniers sont filmés et retransmis sur un écran lors de la pièce, comme un match de foot regardé sur une télévision. Un processus qui permet de transcender le jeu de théâtre pour “que le sport soit réel […], que la représentation qu’on a soit une représentation du réel possible et qu’on y croit, qu’on entre dans cette histoire, vraiment, avec elles”, poursuit la metteuse en scène.
Fondatrice de la compagnie La part des anges, Pauline Bureau n’en est pas à son coup d’essai. Créatrice de plusieurs pièces, elle a été récompensée du Molière 2022 de l’autrice francophone vivante pour Féminines, présenté la première fois au théâtre cette année-là. “Une histoire d’équipe, une histoire de joueuses, une histoire de sport”, concède la metteuse en scène, qui rappelle cependant qu’il s’agit avant tout d’un récit raconté à travers le regard qui est le sien, un regard féminin, mais “dans n’importe quel Shakespeare, il n’y a que des hommes sur le plateau et on ne dit pas : ‘Alors, vous racontez des histoires d’hommes ?’”. Brouillant à nouveau les frontières du théâtre et du réel, Féminines rappelle ainsi que le football et le sport féminins ne sont en réalité que du football et du sport, et le masculin un regard parmi tant d’autres.
Féminines, texte et mise en scène de Pauline Bureau. Théâtre de la Villette, du 14 au 17 mai 2024. Infos et réservations sur Lavillette.com/programmation/pauline-bureau_e1796
Lire aussi I Gênant ou hilarant ? Le dernier spectacle de Florence Foresti divise son public féministe